y"> Qui se sait damnê s'il n'est confessê,
Et, perdant l'espoir de nul confesseur,
Se tord dans l'Enfer qu'il a devancê.
O mais! par instants, j'ai l'extase rouge
Du premier chrêtien, sous la dent rapace,
Qui rit à Jêsus têmoin, sans que bouge
Un poil de sa chair, un nerf de sa face!
Bruxelles-Londres.-Septembre-octobre 1872.
AQUARELLES
GREEN
Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches,
Et puis voici mon coeur, qui ne bat que pour vous.
Ne le dêchirez pas avec vos deux mains blanches
Et qu'à vos yeux si beaux l'humble prêsent soit doux.
J'arrive tout couvert encore de rosêe
Que le vent du matin vient glacer à mon front.
Souffrez que ma fatigue, à vos pieds reposêe,
Rêve des chers instants qui la dêlasseront.
Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête
Toute sonore encore de vos derniers baisers;
Laissez là s'apaiser de la bonne tempête,
Et que je dorme un peu puisque vous reposez.
SPLEEN
Les roses êtaient toutes rouges,
Et les lierres êtaient tout noirs.
Chère, pour peu que tu te bouges,
Renaissent tous mes dêsespoirs.
Le ciel êtait trop bleu, trop tendre,
La mer trop verte et l'air trop doux.
Je crains toujours,-ce qu'est d'attendre
Quelque fuite atroce de vous.
Du houx à la feuille vernie
Et du luisant buis je suis las,
Et de la campagne infinie
Et de tout, fors de vous, hêlas!
STREETS
I
Dansons la gigue!
J'aimais surtout ses jolis yeux,
Plus clairs que l'êtoile des cieux,
J'aimais ses yeux malicieux.
Dansons la gigue!
Elle avait des faèons vraiment
De dêsoler un pauvre amant,
Que c'en êtait vraiment charmant!
Dansons la gigue!
Mais je trouve encor meilleur
Le baiser de sa bouche en fleur,
Depuis qu'elle est morte à mon coeur.
Dansons la gigue!
Je me souviens, je me souviens
Des heures et des entretiens,
Et c'est le meilleur de mes biens.
Dansons la gigue!
SOHO.
II
O la rivière dans la rue!
Fantastiquement apparue
Derrière un mur haut de cinq pieds,
Elle roule sans un murmure
Sans onde opaque et pourtant pure,
Par les faubourgs pacifiês.
La chaussêe est très large, en sorte
Que l'eau jaune comme une morte
Dêvale ample et sans nuls espoirs
De rien reflêter que la brume,
Même alors que l'aurore allume
Les cottages jaunes et noirs.
PADDINGTON.
CHILD WIFE
Vous n'avez rien compris à ma simplicitê,
Rien, ô ma pauvre enfant!
Et c'est avec un front êventê, dêpitê,
Que vous fuyez devant.
Vos yeux qui ne devaient reflêter que douceur,
Pauvre cher bleu miroir,
Ont pris un ton de fiel, ô lamentable soeur,
Qui nous fait mal à voir.
Et vous gesticulez avec vos petit-bras
Comme un hêros mêchant,
En poussant d'aigres cris poitrinaires, hêlas!
Vous qui n'êtiez que chant!
Car vous avez eu peur de l'orage et du coeur
Qui grondait et sifflait,
Et vous bêlâtes avec votre mère-ô douleur!-
Comme un triste agnelet.
Et vous n'avez pas su la lumière et l'honneur
D'un amour brave et fort,
Joyeux dans le malheur, grave dans le bonheur,
Jeune jusqu'à la mort!
A POOR YOUNG SHEPHERD
J'ai peur d'un baiser
Comme d'une abeille.
Je souffre et je veille
Sans me reposer.
J'ai peur d'un baiser!
Pourtant j'aime Kate
Et ses yeux jolis.
Elle est dêlicate,
Aux longs traits pâlis.
Oh! que j'aime Kate!
C'est saint Valentin!
Je dois et je n'ose
Lui dire au matin...
La terrible chose
Que saint Valentin!
Elle m'est promise,
Fort heureusement!
Mais quelle entreprise
Que d'être un amant
Près d'une promise!
J'ai peur d'un baiser
Comme d'une abeille.
Je souffre et je veille
Sans me reposer:
J'ai peur d'un baiser!
BEAMS
Elle voulut aller sur les flots de la mer,
Et comme un vent bênin soufflait une embellie,
Nous nous prêtâmes tous à sa belle folie,
Et nous voilà marchant par le chemin amer.
Le soleil luisait haut dans le ciel calme et lisse,
Et dans ses cheveux blonds c'êtaient des rayons d'or,
Si bien que nous suivions son pas plus calme encor
Que le dêroulement des vagues, ô dêlice!
Des oiseaux blancs volaient alentour mollement.
Et des voiles au loin s'inclinaient toutes blanches.
Parfois de grands varechs filaient en longues branches,
Nos pieds glissaient d'un pur et large mouvement.
Elle se retourna, doucement inquiète
De ne nous croire pas pleinement rassurês;
Mais nous voyant joyeux d'être ses prêfêrês,
Elle reprit sa route et portait haut sa tête.
Douvres-Ostende, à bord de la "Comtesse-de-Flandre".
4 Avril 1873.
SAGESSE
I
I
Bon chevalier masquê qui chevauche en silence,
Le malheur a percê mon vieux coeur de sa lance.
Le sang de mon vieux coeur n'a fait qu'un jet vermeil
Puis s'est êvaporê sur les fleurs, au soleil.
L'ombre êteignit mes yeux, un cri vint à ma bouche,
Et mon vieux coeur est mort dans un frisson farouche.
Alors le chevalier Malheur s'est rapprochê,
Il a mis pied à terre et sa main m'a touchê.
Son doigt gantê de fer entra dans ma blessure
Tandis qu'il attestait sa loi d'une voix dure.
Et voici qu'au contact glacê du doigt de fer
Un coeur me renaissait, tout un coeur pur et fier.
Et voici que, fervent d'une candeur divine,
Tout un coeur jeune et bon battit dans ma poitrine.
Or, je restais tremblant, ivre, incrêdule un peu,
Comme un homme qui voit des visions de Dieu.
Mais le bon chevalier, remontê sur sa bête,
En s'êloignant me fit un signe de la tête
Et me cria (j'entends encore celle voix):
"Au moins, prudence! Car c'est bon pour une fois."
II
J'avais peinê comme Sisyphe
Et comme Hercule travaillê
Contre la chair qui se rebiffe.
J'avais luttê, j'avais bâillê
Des coups à trancher des montagnes,
Et comme Achille ferraillê.
Farouche ami qui m'accompagnes,
Tu le sais, courage païen,
Si nous en fîmes des campagnes.
Si nous n'avons nêgligê rien
Dans cette guerre extênuante,
Si nous avons travaillê bien!
Le tout en vain: l'âpre gêante
A mon effort de tout côtê
Opposait sa ruse ambiante.
Et toujours un lâche abritê
Dans mes conseils qu'il environne
Livrait les clês de la citê.
Que ma chance fût mâle ou bonne,
Toujours un parti de mon coeur
Ouvrait sa porte à la Gorgone.
Toujours l'ennemi suborneur
Savait envelopper d'un piège
Même la victoire et l'honneur!
J'êtais le vaincu qu'on assiège,
Prêt à vendre son sang bien cher,
Quand, blanche en vêtement de neige
Toute belle au front humble et fier,
Une dame vint sur la nue,
Qui d'un signe fit fuir la Chair.
Dans une tempête inconnue
De rage et de cris inhumains,
Et dêchirant sa gorge nue,
Le Monstre reprit ses chemins
Par les bois pleins d'amours affreuses,
Et la dame, joignant les mains:
-"Mon pauvre combattant qui creuses,
Dit-elle, ce dilemme en vain,
Trêve aux victoires malheureuses!
"Il t'arrive un secours divin
Dont je suis sûre messagère
Pour ton salut, possible enfin!"
-"O ma Dame dont la voix chère
Encourage un blessê jaloux
De voir finir l'atroce guerre,
"Vous qui parlez d'un ton si doux
En m'annonèant de bonnes choses,
Ma Dame, qui donc êtes-vous?"
-"J'êtais nêe avant toutes causes
Et je verrai la fin de tous
Les effets, êtoiles et roses.
"En même temps, bonne, sur vous,
Hommes faibles et pauvres femmes,
Je pleure et je vous trouve fous!
"Je pleure sur vos tristes âmes,
J'ai l'amour d'elles, j'ai la peur
D'elles, et de leurs voeux infâmes!
"O ceci n'est pas le bonheur.
Veillez, Quelqu'un l'a dit que j'aime,
Veillez, crainte du Suborneur,
"Veillez, crainte du Jour suprême!
Qui je suis? me demandais-tu.
Mon nom courbe les anges même,
"Je suis le coeur de la vertu,
Je suis l'âme de la sagesse,
Mon nom brûle l'Enfer têtu,
"Je suis la douceur qui redresse,
J'aime tous et n'accuse aucun,
Mon nom, seul, se nomme promesse
"Je suis l'unique hôte opportun,
Je parle au Roi le vrai langage
Du matin rose et du soir brun,
"Je suis la PRIÈRE, et mon gage
C'est ton vice en dêroute au loin;
Ma condition: "Toi, sois sage."
-"Oui, ma Dame, et soyez têmoin!"
III
Qu'en dis-tu, voyageur, des pays et des gares?
Du moins as-tu cueilli l'ennui, puisqu'il est mûr,
Toi que voilà fumant de maussades cigares,
Noir, projetant une ombre absurde sur le mur?
Tes yeux sont aussi morts depuis les aventures,
Ta grimace est la même et ton deuil est pareil;
Telle la lune vue à travers des mâtures,
Telle la vieille mer sous le jeune soleil.
Tel l'ancien cimetière aux tombes toujours neuves!
Mais voyons, et dis-nous les rêcits devinês,
Ces dêsillusions pleurant le long des fleuves,
Ces dêgoûts comme autant de fades nouveau-nês,
Ces femmes! Dis les gaz, et l'horreur identique
Du mal toujours, du laid partout sur les chemins,
Et dis l'Amour et dis encor la Politique
Avec du sang dêshonorê d'encre à leurs mains.
Et puis surtout ne va pas l'oublier toi-même
Traînassant ta faiblesse et ta simplicitê
Partout où l'on bataille et partout où l'on aime,
D'une faèon si triste et folle, en vêritê!
A-t-on assez puni cette lourde innocence?
Qu'en dis-tu? L'homme est dur, mais la femme? Et tes pleurs,
Qui les a bus? Et quelle âme qui les recense
Console ce qu'on peut appeler tes malheurs?
Ah les autres, ah toi! Crêdule à qui te flatte,
Toi qui rêvais (c'êtait trop excessif, aussi)
Je ne sais quelle mort lêgère et dêlicate?
Ah toi, l'espèce d'ange avec ce voeu transi!
Mais maintenant les plans, les buts? Es-tu de force,
Ou si d'avoir pleurê t'a dêtrempê le coeur?
L'arbre est tendre s'il faut juger d'après l'êcorce,
Et tes aspects ne sont pas ceux d'un grand vainqueur.
Si gauche encore! avec l'aggravation d'être
Une sorte à prêsent d'idyllique engourdi
Qui surveille le ciel bête par la fenêtre
Ouverte aux yeux matois du dêmon de midi.
Si le même dans cette extrême dêcadence!
Enfin!-Mais à ta place un être avec du sens,
Payant les violons voudrait mener la danse,
Au risque d'alarmer quoique peu les passants.
N'as-tu pas, en fouillant les recoins de ton âme,
Un beau vice à tirer comme un sabre au soleil,
Quelque vice joyeux, effrontê, qui s'enflamme
Et vibre, et darde rouge au front du ciel vermeil?
Un ou plusieurs? Si oui, tant mieux! Et pars bien vite
En guerre, et bats d'estoc et de taille, sans choix
Surtout, et mets ce masque indolent où s'abrite
La haine inassouvie et repue à la fois...
Il faut n'être pas dupe en ce farceur de monde
Où le bonheur n'a rien d'exquis et d'allêchant
S'il n'y frêtille un peu de pervers et d'immonde,
Et pour n'être pas dupe il faut être mêchant.
-Sagesse humaine, ah! j'ai les yeux sur d'autres choses,
Et parmi ce passê dont ta voix dêcrivait
L'ennui, pour des conseils encore plus moroses,
Je ne me souviens plus que du mal que j'ai fait.
Dans tous les mouvements bizarres de ma vie,
De mes "malheurs", selon le moment et le lieu,
Des autres et de moi, de la route suivie,
Je n'ai rien retenu que la grâce de Dieu.
Si je me sens puni, c'est que je le dois être.
Ni l'homme ni la femme ici ne sont pour rien.
Mais j'ai le ferme espoir d'un jour pouvoir connaître
Le pardon et la paix promis à tout Chrêtien.
Bien de n'être pas dupe en ce monde d'une heure,
Mais pour ne l'être pas durant l'êternitê,
Ce qu'il faut à tout prix qui règne et qui demeure,
Ce n'est pas la mêchancetê, c'est la bontê.
IV
Malheureux! Tous les dons, la gloire du baptême,
Ton enfance chrêtienne, une mère qui t'aime,
La force et la santê comme le pain et l'eau,
Cet avenir enfin, dêcrit dans le tableau
De ce passê plus clair que le jeu des marêes,
Tu pilles tout, tu perds en viles simagrêes
Jusqu'aux derniers pouvoirs de ton esprit, hêlas!
La malêdiction de n'être jamais las
Suit tes pas sur le monde où l'horizon t'attire,
L'enfant prodigue avec des gestes de satyre!
Nul avertissement, douloureux ou moqueur,
Ne prêvaut sur l'êlan funeste de ton coeur.
Tu flânes à travers pêril et ridicule,
Avec l'irresponsable audace d'un Hercule
Dont les travaux seraient fous, nêcessairement.
L'amitiê-dame!-a tu son reproche clêment,
Et chaste, et sans aucun espoir que le suprême,
Vient prier, comme au lit d'un mourant qui blasphème,
La patrie oubliêe est dure aux fils affreux,
Et le monde alentour dresse ses buissons creux
Où ton dêsir mauvais s'êpuise en flèches mortes.
Maintenant il te faut passer devant les portes,
Hâtant le pas de peur qu'on ne lâche le chien,
Et si tu n'entends pas rire, c'est encor bien.
Malheureux, toi Franèais, toi Chrêtien, quel dommage!
Mais, tu vas la pensêe obscure de l'image
D'un bonheur qu'il te faut immêdiat, êtant
Athêe (avec la foule!) et jaloux de l'instant,
Tout appêtit parmi ces appêtits fêroces,
Épris de la fadaise actuelle, mots, noces
Et festins, la "Science", et "l'esprit de Paris",
Tu vas magnifiant ce par quoi tu pêris,
Imbêcile! et niant le soleil qui t'aveugle!
Tout ce que les temps ont de bête paît et beugle
Dans ta cervelle ainsi qu'un troupeau dans un prê.
Et les vices de tout le monde ont êmigrê
Pour ton sang dont le fer lâchement s'êtiole.
Tu n'es plus bon à rien de propre, ta parole
Est morte de l'argot et du ricanement,
Et d'avoir rabâchê les bourdes du moment.
Ta mêmoire, de tant d'obscênitês bondêe,
Ne saurait accueillir la plus petite idêe,
Et patauge parmi l'êgoïsme ambiant,
En quête d'on ne peut dire quel vil nêant!
Seul, entre les dêbris honnis de ton dêsastre,
L'Orgueil, qui met la flamme au fond du poêtastre
Et fait au criminel un prestige odieux,
Seul, l'Orgueil est vivant, il danse dans tes yeux,
Il regarde la Faute et rit de s'y complaire.
-Dieu des humbles, sauvez cet enfant de colère!
V
Beautê des femmes, leur faiblesse, et ces mains pâles
Qui font souvent le bien et peuvent tout le mal.
Et ces yeux, où plus rien ne reste d'animal
Que juste assez pour dire: "assez" aux fureurs mâles
Et toujours, maternelle endormeuse des râles,
Même quand elle ment, cette voix! Matinal
Appel, ou chant bien doux à vêpre, ou frais signal,
Ou beau sanglot qui va mourir au pli des châles...
Hommes durs! Vie atroce et laide d'ici-bas!
Ah! que, du moins, loin des baisers et des combats,
Quelque chose demeure un peu sur la montagne,
Quelque chose du coeur enfantin et subtil,
Bontê, respect! Car qu'est-ce qui nous accompagne,
Et vraiment, quand la mort viendra, que reste-t-il?
VI
O vous, comme un qui boite au loin, Chagrins et Joies,
Toi, coeur saignant d'hier qui flambes aujourd'hui,
C'est vrai pourtant que c'est fini, que tout a fui
De nos sens, aussi bien les ombres que les proies.
Vieux bonheurs, vieux malheurs, comme une file d'oies
Sur la route en poussière où tous les pieds ont lui,
Bon voyage! Et le Rire, et, plus vieille que lui,
Toi, Tristesse noyêe au vieux noir que tu broies,
Et le reste!-Un doux vide, un grand renoncement
Quelqu'un en nous qui sent la paix immensêment,
Une candeur d'âme d'une fraîcheur dêlicieuse...
Et voyez! notre coeur qui saignait sous l'orgueil,
Il flambe dans l'amour, et s'en va faire accueil
A la vie, en faveur d'une mort prêcieuse!
VII
Les faux beaux jours ont lui tout le jour, ma pauvre âme,
Et les voici vibrer aux cuivres du couchant.
Ferme les yeux, pauvre âme, et rentre sur-le-champ:
Une tentation des pires. Fuis l'infâme.
Ils ont lui tout le jour en longs grêlons de flamme,
Battant toute vendange aux collines, couchant
Toute moisson de la vallêe, et ravageant
Le ciel tout bleu, le ciel, chanteur qui te rêclame.
O pâlis, et va-t'en, lente et joignant les mains.
Si ces hiers allaient manger nos beaux demains?
Si la vieille folie êtait encore en route?
Ces souvenirs, va-t-il falloir les retuer?
Un assaut furieux, le suprême, sans doute!
O, va prier contre l'orage, va prier.
VIII
La vie humble aux travaux ennuyeux et faciles
Est une oeuvre de choix qui veut beaucoup d'amour:
Rester gai quand le jour triste succède au jour,
Être fort, et s'user en circonstances viles;
N'entendre, n'êcouter aux bruits des grandes villes
Que l'appel, ô mon Dieu, des cloches dans la tour,
Et faire un de ces bruits soi-même, cela pour
L'accomplissement vil de tâches puêriles;
Dormir chez les pêcheurs êtant un pênitent;
N'aimer que le silence et conserver pourtant
Le temps si grand dans la patience si grande,
Le scrupule naïf aux repentirs têtus,
Et tous ces soins autour de ces pauvres vertus!
-Fi, dit l'Ange Gardien, de l'orgueil qui marchande!
IX
Sagesse d'un Louis Racine, je t'envie!
O n'avoir pas suivi les leèons de Rollin,
N'être pas nê dans le grand siècle à son dêclin,
Quand le soleil couchant, si beau, dorait la vie,
Quand Maintenon jetait sur la France ravie
L'ombre douce et la paix de ses coiffes de lin,
Et royale abritait la veuve et l'orphelin,
Quand l'êtude de la prière êtait suivie,
Quand poète et docteur, simplement, bonnement,
Communiaient avec des ferveurs de novices,
Humbles servaient la Messe et chantaient aux offices,
Et, le printemps venu, prenaient un soin charmant
D'aller dans les Auteuils cueillir lilas et roses
En louant Dieu, comme Garo, de toutes choses!
X
Non. Il fut gallican, ce siècle, et jansêniste!
C'est vers le Moyen Age ênorme et dêlicat
Qu'il faudrait que mon coeur en panne naviguât,
Loin de nos jours d'esprit charnel et de chair triste.
Roi, politicien, moine, artisan, chimiste,
Architecte, soldat, mêdecin, avocat,
Quel temps! Oui, que mon coeur naufragê rembarquât
Pour toute cette force ardente, souple, artiste!
Et là que j'eusse part-quelconque, chez les rois
Ou bien ailleurs, n'importe, à la chose vitale,
Et que je fusse un saint, actes bons, pensers droits,
Haute thêologie et solide morale,
Guidê par la folie unique de la Croix
Sur tes ailes de pierre, ô folle Cathêdrale!
XI
Petits amis qui sûtes nous prouver
Par A plus B que deux et deux font quatre,
Mais qui depuis voulez parachever
Une victoire où l'on se laissait battre,
Et couronner vos conquêtes d'un coup
Par ce soufflet à la mêmoire humaine;
"Dieu ne vous a rêvêlê rien du tout,
Car nous disions qu'il n'est que l'ombre vaine,
Que le profil et que l'allongement,
Sur tous les murs que la peur êdifie
De votre pur et simple mouvement,
Et nous dictons cette philosophie."
-Frères trop chers, laissez-nous rire un peu,
Nous les fervents d'une logique rance,
Qui justement n'avons de foi qu'en Dieu
Et mettons notre espoir dans l'Espêrance,
Laissez-nous rire un peu, pleurer aussi,
Pleurer sur vous, rire du vieux blasphème,
Rire du vieux Satan stupide ainsi,
Pleurer sur cet Adam dupe quand même!
Frères de nous qui payons vos orgueils,
Tous fils du même Amour, ah! la science,
Allons donc, allez donc, c'est nos cercueils
Naïfs ou non, c'est notre mêfiance
Ou notre confiance aux seuls Rêcits,
C'est notre oreille ouverte toute grande
Ou tristement fermêe au Mot prêcis!
Frères, lâchez la science gourmande
Qui veut voler sur les ceps dêfendus
Le fruit sanglant qu'il ne faut pas connaître.
Lâchez son bras qui vous tient attendus
Pour des enfers que Dieu n'a pas fait naître,
Mais qui sont l'oeuvre affreuse du pêchê,
Car nous, les fils attentifs de l'Histoire,
Nous tenons pour l'honneur jamais tachê
De la Tradition, supplice et gloire!
Nous sommes sûrs des Aïeux nous disant
Qu'ils ont vu Dieu sous telle ou telle forme
Et prêdisant aux crimes d'à prêsent
La peine immense ou le pardon ênorme.
Puisqu'ils avaient vu Dieu prêsent toujours,
Puisqu'ils ne mentaient pas, puisque nos crimes
Vont effrayants, puisque vos yeux sont courts,
Et puisqu'il est des repentirs sublimes,
Ils ont dit tout. Savoir le reste est bien:
Que deux et deux fassent quatre, à merveille!
Riens innocents, mais des riens moins que rien,
La