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Верлен Поль - Oeuvres complètes de Paul Verlaine, Vol. 1, Страница 4

Верлен Поль - Oeuvres complètes de Paul Verlaine, Vol. 1


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bsp; En l'êlêgance rêclamêe
   De tout irrêprochable amant
   Comme de toute digne aimêe...
   Or cet Hiver, Madame, et nos
   Parieurs tremblent pour leur bourse,
   Et dêjà les autres traîneaux
   Osent nous disputer la course.
   Les deux mains dans votre manchon,
   Tenez-vous bien sur la banquette
   Et filons!-et bientôt Fanchon
   Nous fleurira quoiqu'on caquette!
  
   FANTOCHES
  
   Scaramouche et Pulcinella,
   Qu'un mauvais dessein rassembla,
   Gesticulent, noirs sur la lune.
   Cependant l'excellent docteur
   Bolonais cueille avec lenteur
   Des simples parmi l'herbe brune.
   Lors sa fille, piquant minois,
   Sous la charmille en tapinois
   Se glisse demi-nue, en quête
   De son beau pirate espagnol,
   Dont un langoureux rossignol
   Clame la dêtresse à tue-tête.
  
   CYTHÈRE
  
   Un pavillon à claires-voies
   Abrite doucement nos joies
   Qu'êventent des rosiers amis;
   L'odeur des roses, faible, grâce
   Au vent lêger d'êtê qui passe,
   Se mêle aux parfums qu'elle a mis;
   Comme ses yeux l'avaient promis,
   Son courage est grand et sa lèvre
   Communique une exquise fièvre;
   Et l'Amour comblant tout, hormis
   La Faim, sorbets et confitures
   Nous prêservent des courbatures.
  
   EN BATEAU
  
   L'êtoile du berger tremblote
   Dans l'eau plus noire et le pilote
   Cherche un briquet dans sa culotte.
   C'est l'instant, Messieurs, ou jamais,
   D'être audacieux, et je mets
   Mes deux mains partout dêsormais!
   Le chevalier Atys qui gratte
   Sa guitare, à Chloris l'ingrate
   Lance une oeillade scêlêrate.
   L'abbê confesse bas Églê,
   Et ce vicomte dêrêglê
   Des champs donne à son coeur la clê.
   Cependant la lune se lève
   Et l'esquif en sa course brève
   File gaîment sur l'eau qui rêve.
  
   LE FAUNE
  
   Un vieux faune de terre cuite
   Rit au centre des boulingrins,
   Prêsageant sans doute une suite
   Mauvaise à ces instants sereins
   Qui m'ont conduit et t'ont conduite,
   Mêlancoliques pèlerins,
   Jusqu'à cette heure dont la fuite
   Tournoie au son des tambourins.
  
   MANDOLINE
  
   Les donneurs de sêrênades
   Et les belles êcouteuses
   Échangent des propos fades
   Sous les ramures chanteuses.
   C'est Tircis et c'est Aminte,
   Et c'est l'êternel Clitandre,
   Et c'est Damis qui pour mainte
   Cruelle fait maint vers tendre.
   Leurs courtes vestes de soie,
   Leurs longues robes à queues,
   Leur êlêgance, leur joie
   Et leurs molles ombres bleues,
   Tourbillonnent dans l'extase
   D'une lune rose et grise,
   Et la mandoline jase
   Parmi les frissons de brise.
  
   A CLYMÈNE
  
   Mystiques barcarolles,
   Romances sans paroles,
   Chère, puisque tes yeux,
   Couleur des cieux,
   Puisque ta voix, êtrange
   Vision qui dêrange
   Et trouble l'horizon
   De ma raison,
   Puisque l'arôme insigne
   De ta pâleur de cygne
   Et puisque la candeur
   De ton odeur,
   Ah! puisque tout ton être,
   Musique qui pênètre,
   Nimbes d'anges dêfunts,
   Tons et parfums.
   A sur d'almes cadences
   En ses correspondances,
   Induit mon coeur subtil,
   Ainsi soit-il!
  
   LETTRE
  
   Eloignê de vos yeux, Madame, par des soins
   Impêrieux (j'en prends tous les dieux à têmoins),
   Je languis et je meurs, comme c'est ma coutume
   En pareil cas, et vais, le coeur plein d'amertume,
   A travers des soucis où votre ombre me suit,
   Le jour dans mes pensêes, dans mes rêves la nuit.
   Et la nuit et le jour adorable, Madame!
   Si bien qu'enfin, mon corps faisant place à mon âme,
   Je deviendrai fantôme à mon tour aussi, moi,
   Et qu'alors, et parmi le lamentable êmoi
   Des enlacements vains et des dêsirs sans nombre,
   Mon ombre se fondra à jamais en notre ombre.
   En attendant, je suis, très chère, ton valet.
   Tout se comporte-t-il là-bas comme il te plaît,
   Ta perruche, ton chat, ton chien? La compagnie
   Est-elle toujours belle, et cette Silvanie
   Dont j'eusse aimê l'oeil noir si le tien n'êtait bleu,
   Et qui parfois me fit des signes, palsambleu!
   Te sert-elle toujours de douce confidente?
   Or, Madame, un projet impatient me hante
   De conquêrir le monde et tous ses trêsors pour
   Mettre à vos pieds ce gage-indigne-d'un amour
   Égal à toutes les flammes les plus cêlèbres
   Qui des grands coeurs aient fait resplendir les tênèbres.
   Clêopàtre fut moins aimêe, oui, sur ma foi!
   Par Marc-Antoine et par Cêsar que vous par moi,
   N'en doutez pas, Madame, et je saurai combattre
   Comme Cêsar pour un sourire, ô Clêopâtre,
   Et comme Antoine fuir au seul prix d'un baiser.
   Sur ce, très chère, adieu. Car voilà trop causer
   Et le temps que l'on perd à lire une missive
   N'aura jamais valu la peine qu'on l'êcrive.
  
   LES INDOLENTS
  
   Bah! malgrê les destins jaloux,
   Mourons ensemble, voulez-vous?
   -La proposition est rare.
   -Le rare est le bon. Donc mourons
   Comme dans les Dêcamêrons.
   -Hi! hi! hi! quel amant bizarre!
   -Bizarre, je ne sais. Amant
   Irrêprochable, assurêment.
   Si vous voulez, mourons ensemble?
   -Monsieur, vous raillez mieux encor
   Que vous n'aimez, et parlez d'or;
   Mais taisons-nous, si bon vous semble?
   Si bien que ce soir-là Tircis
   Et Dorimène, à deux assis
   Non loin de deux silvains hilares,
   Eurent l'inexpiable tort
   D'ajourner une exquise mort.
   Hi! hi! hi! les amants bizarres!
  
   COLOMBINE
  
   Lêandre le sot,
   Pierrot qui d'un saut
   De puce
   Franchit le buisson,
   Cassandre sous son
   Capuce,
   Arlequin aussi,
   Cet aigrefin si
   Fantasque
   Aux costumes fous,
   Ses yeux luisants sous
   Son masque,
   -Do, mi, sol, mi, fa,-
   Tout ce monde va,
   Rit, chante
   Et danse devant
   Une belle enfant
   Mêchante
   Dont les yeux pervers
   Comme les yeux verts
   Des chattes
   Gardent ses appas
   Et disent: "A bas
   Les pattes!"
   -Eux ils vont toujours!
   Fatidique cours
   Des astres,
   Oh! dis-moi vers quels
   Mornes ou cruels
   Dêsastres
   L'implacable enfant,
   Preste et relevant
   Ses jupes,
   La rose au chapeau,
   Conduit son troupeau
   De dupes?
  
   L'AMOUR PAR TERRE
  
   Le vent de l'autre nuit a jetê bas l'Amour
   Qui, dans le coin le plus mystêrieux du parc,
   Souriait en bandant malignement son arc,
   Et dont l'aspect nous fit tant songer tout un jour!
   Le vent de l'autre nuit l'a jetê bas! Le marbre
   Au souffle du matin tournoie, êpars. C'est triste
   De voir le piêdestal, où le nom de l'artiste
   Se lit pêniblement parmi l'ombre d'un arbre.
   Oh! c'est triste de voir debout le piêdestal
   Tout seul! et des pensers mêlancoliques vont
   Et viennent dans mon rêve où le chagrin profond
   Évoque un avenir solitaire et fatal.
   Oh! c'est triste!-Et toi-même, est-ce pas? es touchêe
   D'un si dolent tableau, bien que ton oeil frivole
   S'amuse au papillon de pourpre et d'or qui vole
   Au-dessus des dêbris dont l'allêe est jonchêe.
  
   EN SOURDINE
  
   Calmes dans le demi-jour
   Que les branches hautes font,
   Pênêtrons bien notre amour
   De ce silence profond.
   Fondons nos âmes, nos coeurs
   Et nos sens extasiês,
   Parmi les vagues langueurs
   Des pins et des arbousiers.
   Ferme tes yeux à demi,
   Croise tes bras sur ton sein,
   Et de ton coeur endormi
   Chasse à jamais tout dessein.
   Laissons-nous persuader
   Au souffle berceur et doux
   Qui vient à tes pieds rider
   Les ondes de gazon roux.
   Et quand, solennel, le soir
   Des chênes noirs tombera,
   Voix de notre dêsespoir,
   Le rossignol chantera.
  
   COLLOQUE SENTIMENTAL
  
   Dans le vieux parc solitaire et glacê
   Deux formes ont tout à l'heure passê.
   Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
   Et l'on entend à peine leurs paroles.
   Dans le vieux parc solitaire et glacê
   Deux spectres ont êvoquê le passê.
   -Te souvient-il de notre extase ancienne?
   -Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne?
   -Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom?
   Toujours vois-tu mon âme en rêve?-Non.
   -Ah! les beaux jours de bonheur indicible
   Où nous joignions nos bouches!-C'est possible.
   Qu'il êtait bleu, le ciel, et grand l'espoir!
   -L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.
   Tels ils marchaient dans les avoines folles,
   Et la nuit seule entendit leurs paroles.
  
   LA BONNE CHANSON
  
   I
  
   Le soleil du matin doucement chauffe et dore.
   Les seigles et les blês tout humides encore,
   Et l'azur a gardê sa fraîcheur de la nuit.
   L'on sort sans autre but que de sortir; on suit,
   Le long de la rivière aux vagues herbes jaunes,
   Un chemin de gazon que bordent de vieux aunes.
   L'air est vif. Par moments un oiseau vole avec
   Quelque fruit de la haie ou quelque paille au bec,
   Et son reflet dans l'eau survit à son passage.
   C'est tout.
   Mais le songeur aime ce paysage
   Dont la claire douceur a soudain caressê
   Son rêve de bonheur adorable, et bercê
   Le souvenir charmant de cette jeune fille,
   Blanche apparition qui chante et qui scintille,
   Dont rêve le poète et que l'homme chêrit,
   Évoquant en ses voeux dont peut-être on sourit
   La Compagne qu'enfin il a trouvêe, et l'âme
   Que son âme depuis toujours pleure et rêclame.
  
   II
  
   Toute grâce et toutes nuances
   Dans l'êclat doux de ses seize ans,
   Elle a la candeur des enfances
   Et les manèges innocents.
   Ses yeux qui sont les yeux d'un ange,
   Savent pourtant, sans y penser,
   Éveiller le dêsir êtrange
   D'un immatêriel baiser.
   Et sa main, à ce point petite
   Qu'un oiseau-mouche n'y tiendrait,
   Captive, sans espoir de fuite,
   Le coeur pris par elle en secret.
   L'intelligence vient chez elle
   En aide à l'âme noble; elle est
   Pure autant que spirituelle:
   Ce qu'elle a dit, il le fallait!
   Et si la sottise l'amuse
   Et la fait rire sans pitiê,
   Elle serait, êtant la muse,
   Clêmente jusqu'à l'amitiê.
   Jusqu'à l'amour-qui sait? peut-être,
   A l'êgard d'un poète êpris
   Qui mendierait sous sa fenêtre,
   L'audacieux! un digne prix
   De sa chanson bonne ou mauvaise!
   Mais têmoignant sincèrement,
   Sans fausse note, et sans fadaise,
   Du doux mal qu'on souffre en aimant.
  
   III
  
   En robe grise et verte avec des ruches,
   Un jour de juin que j'êtais soucieux,
   Elle apparut souriante à mes yeux
   Qui l'admiraient sans redouter d'embûches
   Elle alla, vint, revint, s'assit, parla,
   Lêgère et grave, ironique, attendrie:
   Et je sentais en mon âme assombrie
   Comme un joyeux reflet de tout cela;
   Sa voix, êtant de la musique fine,
   Accompagnait dêlicieusement
   L'esprit sans fiel de son babil charmant
   Où la gaîtê d'un coeur bon se devine.
   Aussi soudain fus-je, après le semblant
   D'une rêvolte aussitôt êtouffêe,
   Au plein pouvoir de la petite Fêe
   Que depuis lors je supplie en tremblant.
  
   IV
  
   Puisque l'aube grandit, puisque voici l'aurore,
   Puisque, après m'avoir fui longtemps, l'espoir veut bien
   Revoler devers moi qui l'appelle et l'implore,
   Puisque tout ce bonheur veut bien être le mien,
   C'en est fait à prêsent des funestes pensêes,
   C'en est fait des mauvais rêves, ah! c'en est fait
   Surtout de l'ironie et des lèvres pincêes
   Et des mots où l'esprit sans l'âme triomphait.
   Arrière aussi les poings crispês et la colère
   A propos des mêchants et des sots rencontrês;
   Arrière la rancune abominable! arrière
   L'oubli qu'on cherche en des breuvages exêcrês!
   Car je veux, maintenant qu'un Être de lumière
   A dans ma nuit profonde êmis cette clartê
   D'une amour à la fois immortelle et première,
   De par la grâce, le sourire et la bontê,
   Je veux, guidê par vous, beaux yeux aux flammes douces,
   Par toi conduit, ô main où tremblera ma main,
   Marcher droit, que ce soit par des sentiers de mousses
   Ou que rocs et cailloux encombrent le chemin;
   Oui, je veux marcher droit et calme dans la Vie,
   Vers le but où le sort dirigera mes pas,
   Sans violence, sans remords et sans envie.
   Ce sera le devoir heureux aux gais combats.
   Et comme, pour bercer les lenteurs de la route,
   Je chanterai des airs ingênus, je me dis
   Qu'elle m'êcoutera sans dêplaisir sans doute;
   Et vraiment je ne veux pas d'autre Paradis.
  
   V
  
   Avant que tu ne t'en ailles,
   Pâle êtoile du matin,
   -Mille cailles
   Chantent, chantent dans le thym.-
   Tourne devers le poète,
   Dont les yeux sont pleins d'amour,
   -L'alouette
   Monte au ciel avec le jour.-
   Tourne ton regard que noie
   L'aurore dans son azur;
   -Quelle joie
   Parmi les champs de blê mûr!-
   Puis fais luire ma pensêe
   Là-bas,-bien loin, oh! bien loin!
   -La rosêe
   Gaîment brille sur le foin.-
   Dans le doux rêve où s'agite
   Ma vie endormie encor...
   -Vite, vite,
   Car voici le soleil d'or.-
  
   VI
  
   La lune blanche
   Luit dans les bois;
   De chaque branche
   Part une voix
   Sous la ramêe...
   O bien-aimêe.
   L'êtang reflète,
   Profond miroir,
   La silhouette
   Du saule noir
   Où le vent pleure...
   Rêvons, c'est l'heure.
   Un vaste et tendre
   Apaisement
   Semble descendre
   Du firmament
   Que l'astre irise...
   C'est l'heure exquise.
  
   VII
  
   Le paysage dans le cadre des portières
   Court furieusement, et des plaines entières
   Avec de l'eau, des blês, des arbres et du ciel
   Vont s'engouffrant parmi le tourbillon cruel
   Où tombent les poteaux minces du têlêgraphe
   Dont les fils ont l'allure êtrange d'un paraphe.
   Une odeur de charbon qui brûle et d'eau qui bout,
   Tout le bruit que feraient mille chaînes au bout
   Desquelles hurleraient mille gêants qu'on fouette;
   Et tout à coup des cris prolongês de chouette.-
   -Que me fait tout cela, puisque j'ai dans les yeux
   La blanche vision qui fait mon coeur joyeux,
   Puisque la douce voix pour moi murmure encore,
   Puisque le Nom si beau, si noble et si sonore
   Se mêle, pur pivot de tout ce tournoiement,
   Au rythme du wagon brutal, suavement.
  
   VIII
  
   Une Sainte en son aurêole,
   Une Châtelaine en sa tour.
   Tout ce que contient la parole
   Humaine de grâce et d'amour;
   La note d'or que fait entendre
   Un cor dans le lointain des bois,
   Mariêe à la fiertê tendre
   Des nobles Dames d'autrefois!
   Avec cela le charme insigne
   D'un frais sourire triomphant
   Éclos dans des candeurs de cygne
   Et des rougeurs de femme-enfant;
   Des aspects nacrês, blancs et roses,
   Un doux accord patricien.
   Je vois, j'entends toutes ces choses
   Dans son nom Carlovingien.
  
   IX
  
   Son bras droit, dans un geste aimable de douceur,
   Repose autour du cou de la petite soeur,
   Et son bras gauche suit le rythme de la jupe.
   A cour sûr une idêe agrêable l'occupe,
   Car ses yeux si francs, car sa bouche qui sourit,
   Têmoignent d'une joie intime avec esprit.
   Oh! sa pensêe exquise et fine, quelle est-elle?
   Toute mignonne, tout aimable, et toute belle,
   Pour ce portrait, son goût infaillible a choisi
   La pose la plus simple et la meilleure aussi:
   Debout, le regard droit, en cheveux; et sa robe
   Est longue juste assez pour qu'elle ne dêrobe
   Qu'à moitiê sous ses plis jaloux le bout charmant
   D'un pied malicieux imperceptiblement.
  
   X
  
   Quinze longs jours encore et plus de six semaines
   Dêjà! Certes, parmi les angoisses humaines
   La plus dolente angoisse est celle d'être loin.
   On s'êcrit, on se dit comme on s'aime; on a soin
   D'êvoquer chaque jour la voix, les yeux, le geste
   De l'être en qui l'on mit son bonheur, et l'on reste
   Des heures à causer tout seul avec l'absent.
   Mais tout ce que l'on pense et tout ce que l'on sent,
   Et tout ce dont on parle avec l'absent, persiste
   A demeurer blafard et fidèlement triste.
   Oh! l'absence! le moins clêment de tous les maux!
   Se consoler avec des phrases et des mots,
   Puiser dans l'infini morose des pensêes
   De quoi vous rafraîchir, espêrances lassêes,
   Et n'en rien remonter que de fade et d'amer!
   Puis voici, pênêtrant et froid comme le fer,
   Plus rapide que les oiseaux et que les balles
   Et que le vent du sud en mer et ses rafales
   Et portant sur sa pointe aiguë un fin poison,
   Voici venir, pareil aux flèches, le soupèon
   Dêcochê par le Doute impur et lamentable.
   Est-ce bien vrai? tandis qu'accoudê sur ma table
   Je lis sa lettre avec des larmes dans les yeux,
   Sa lettre, où s'êtale un aveu dêlicieux,
   N'est-elle pas alors distraite en d'autres choses?
   Qui sait? Pendant qu'ici, pour moi, lents et moroses
   Coulent les jours, ainsi qu'un fleuve au bord flêtri,
   Peut-être que sa lèvre innocente a souri?
   Peut-être qu'elle est très joyeuse et qu'elle oublie?
   Et je relis sa lettre avec mêlancolie.
  
   XI
  
   La dure êpreuve va finir:
   Mon coeur, souris à l'avenir.
   Ils sont passês les jours d'alarmes
   Où j'êtais triste jusqu'aux larmes.
   Ne suppute plus les instants,
   Mon âme, encore un peu de temps.
   J'ai lu les paroles amères
   Et banni les sombres chimères.
   Mes yeux exilês de la voir
   De par un douloureux devoir,
   Mon oreille avide d'entendre
   Les notes d'or de sa voix tendre,
   Tout mon être et tout mon amour
   Acclament le bienheureux jour
   Où, seul rêve et seule pensêe,
   Me reviendra la fiancêe!
  
   XII
  
   Va, chanson, à tire-d'aile
   Au-devant d'elle, et dis-lui
   Bien que dans mon coeur fidèle
   Un rayon joyeux a lui,
   Dissipant, lumière sainte,
   Ces tênèbres de l'amour:
   Mêfiance, doute, crainte,
   Et que voici le grand jour!
   Longtemps craintive et muette,
   Entendez-vous? la gaîtê
   Comme une vive alouette
   Dans le ciel clair a chantê.
   Va donc, chanson ingênue,
   Et que, sans nul regret vain,
   Elle soit la bienvenue
   Celle qui revient enfin.
  
   XIII
  
   Hier, on parlait de choses et d'autres,
   Et mes yeux allaient recherchant les vôtres,
   Et votre regard recherchait le mien
   Tandis que courait toujours l'entretien.
   Sous le sens banal des phrases pesêes
   Mon amour errait après vos pensêes;
   Et quand vous parliez, à dessein distrait
   Je prêtais l'oreille à votre secret:
   Car la voix, ainsi que les yeux de Celle
   Qui vous fait joyeux et triste dêcèle,
   Malgrê tout effort morose et rieur,
   Et met en plein jour l'être intêrieur.
   Or, hier, je suis parti plein d'ivresse:
   Est-ce un espoir vain que mon coeur carresse,
   Un vain espoir, faux et doux compagnon?
   Oh! non! n'est-ce pas? n'est-ce pas que non?
  
   XIV
  
   Le foyer, la lueur êtroite de la lampe;
   La rêverie avec le doigt contre la tempe
   Et les yeux se perdant parmi les yeux aimês;
   L'heure du thê fumant et des livres fermês;
   La douceur de sentir la fin de la soirêe;
   La fatigue charmante et l'attente adorêe
   De l'ombre nuptiale et de la douce nuit,
   Oh! tout cela, mon rêve attendri le poursuit
   

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  • Категория: Книги | Добавил: Armush (29.11.2012)
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