Главная » Книги

Верлен Поль - Oeuvres complètes de Paul Verlaine, Vol. 1, Страница 13

Верлен Поль - Oeuvres complètes de Paul Verlaine, Vol. 1


1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15

farce que tu ne penses."
   "Et quant au soin frivole, ô doux morveux,
   De te plaire ou de te dêplaire,
   Je m'en soucie au point que, si tu veux,
   Tu peux t'aller faire lanlaire."
  
   IX
   MADRIGAL
  
   Tu m'as, ces pâles jours d'automne blanc, fait mal
   A cause de tes yeux où fleurit l'animal,
   Et tu me rongerais, en princesse Souris,
   Du bout fin de la quenotte de ton souris.
   Fille auguste qui fis flamboyer ma douleur
   Avec l'huile rancie encor de ton vieux pleur!
   Oui, folle, je mourrais de ton regard damnê.
   Mais va (veux-tu?) l'êtang là dort insoupèonnê
   Dont du lis, nef qu'il eût fallu qu'on acclamât,
   L'eau morte a bu le vent qui coule du grand mât
   T'y jeter, palme! et d'avance mon repentir
   Parle si bas qu'il faut être sourd pour l'ouïr.
  
   NAGUÈRE
   PROLOGUE
  
   Ce sont choses crêpusculaires.
   Des visions de fui de nuit.
   O Vêritê, tu les êclaires
   Seulement d'une aube qui luit
   Si pâle dans l'ombre abhorrêe
   Qu'on doute encore par instants
   Si c'est la lune qui les crêe
   Sous l'horreur des rameaux flottants,
   Ou si ces fantômes moroses
   Vont tout à l'heure prendre corps
   Et se mêler au choeur des choses
   Dans les harmonieux dêcors
   Du soleil et de la nature
   Doux à l'homme et proclamant Dieu
   Pour l'extase de l'hymne pure
   Jusqu'à la douceur du ciel bleu.
  
   CRIMEN AMORIS
   A Villiers de l'Isle-Adam.
  
   Dans un palais, soie et or, dans Ecbatane,
   De beaux dêmons, des satans adolescents,
   Au son d'une musique mahomêtane
   Font litière aux Sept Pêchês de leurs cinq sens.
   C'est la fête aux Sept Pêchês: ô qu'elle est belle!
   Tous les Dêsirs rayonnaient en feux brutaux;
   Les Appêtits, pages prompts que l'on harcèle,
   Promenaient des vins roses dans des cristaux.
   Des danses sur des rythmes d'êpithalames
   Bien doucement se pâmaient en longs sanglots
   Et de beaux choeurs de voix d'hommes et de femmes
   Se dêroulaient, palpitaient comme des flots,
   Et la bontê qui s'en allait de ces choses
   Était puissante et charmante tellement
   Que la campagne autour se fleurit de roses
   Et que la nuit paraissait en diamant.
   Or le plus beau d'entre tous ces mauvais anges
   Avait seize ans sous sa couronne de fleurs.
   Les bras croisês sur les colliers et les franges,
   Il rêve, l'oeil plein de flammes et de pleurs.
   En vain la fête autour se faisait plus folle,
   En vain les satans, ses frères et ses soeurs,
   Pour l'arracher au souci qui le dêsole,
   L'encourageaient d'appels de bras caresseurs.
   Il rêsistait à toutes câlineries,
   Et le chagrin mettait un papillon noir
   A son cher front tout brûlant d'orfèvreries:
   O l'immortel et terrible dêsespoir!
   Il leur disait: "O vous, laissez-moi tranquille!
   Puis, les ayant baisês tous bien tendrement,
   Il s'êvada d'avec eux d'un geste agile,
   Leur laissant aux mains des pans de vêtement.
   Le voyez-vous sur la tour la plus cêleste
   Du haut palais avec une torche au poing?
   Il la brandit comme un hêros fait d'un ceste:
   D'en bas on croit que c'est une aube qui point.
   Qu'est-ce qu'il dit de sa voix profonde et tendre
   Qui se marie au claquement clair du feu
   Et que la lune est extatique d'entendre?
   "Oh! je serai celui-là qui crêera Dieu!
   "Nous avons tous trop souffert, anges et hommes,
   De ce conflit entre le Pire et le Mieux.
   Humilions, misêrables que nous sommes,
   Tous nos êlans dans le plus simple des voeux,
   "O vous tous, ô nous tous, ô les pêcheurs tristes,
   O les gais Saints! Pourquoi ce schisme têtu?
   Que n'avons-nous fait, en habiles artistes,
   De nos travaux la seule et même vertu!
   "Assez et trop de ces luttes trop êgales!
   Il va falloir qu'enfin se rejoignent les
   Sept Pêchês aux Trois Vertus Thêologales!
   Assez et trop de ces combats durs et laids!
   "Et pour rêponse à Jêsus qui crut bien faire
   En maintenant l'êquilibre de ce duel,
   Par moi l'enfer dont c'est ici le repaire
   Se sacrifie à l'Amour universel!"
   La torche tombe de sa main êployêe,
   Et l'incendie alors hurla s'êlevant,
   Querelle ênorme d'aigles rouges noyêe
   Au remous noir de la fumêe et du vent.
   L'or fond et coule à flots et le marbre êclate;
   C'est un brasier tout splendeur et tout ardeur;
   La soie en courts frissons comme de l'ouate
   Vole à flocons tout ardeur et tout splendeur.
   Et les satans mourants chantaient dans les flammes
   Ayant compris, comme s'ils êtaient rêsignês!
   Et de beaux choeurs de voix d'hommes et de femmes
   Montaient parmi l'ouragan des bruits ignês.
   Et lui, les bras croisês d'une sorte fière,
   Les yeux au ciel où le feu monte en lêchant,
   Il fit tout bas une espèce de prière
   Qui va mourir dans l'allêgresse du chant.
   Il dit tout bas une espèce de prière,
   Les yeux au ciel où le feu monte en lêchant...
   Quand retentit un affreux coup de tonnerre,
   Et c'est la fin de l'allêgresse et du chant.
   On n'avait pas agrêê le sacrifice:
   Quelqu'un de fort et de juste assurêment
   Sans peine avait su dêmêler la malice
   Et l'artifice en un orgueil qui se ment.
   Et du palais aux cent tours aucun vestige,
   Rien ne resta dans ce dêsastre inouï,
   Afin que par le plus effrayant prodige
   Ceci ne fût qu'un vain rêve êvanoui...
   Et c'est la nuit, la nuit bleue aux mille êtoiles;
   Une campagne êvangêlique s'êtend
   Sêvère et douce, et, vagues comme des voiles,
   Les branches d'arbres ont l'air d'ailes s'agitant.
   De froids ruisseaux courent sur un lit de pierre;
   Les doux hiboux nagent vaguement dans l'air
   Tout embaumê de mystère et de prière;
   Parfois un flot qui saute lance un êclair.
   La forme molle au loin monte des collines
   Comme un amour mal dêfini,
   Et le brouillard qui s'essore des ravines
   Semble un effort vers quelque but rêuni.
   Et tout cela comme un coeur et comme une âme,
   Et comme un verbe, et d'un amour virginal
   Adore, s'ouvre en une extase et rêclame
   Le Dieu clêment qui nous gardera du mal.
  
   LA GRACE
   A Armand Silvestre.
  
   Un cachot. Une femme à genoux, en prière.
   Une tête de mort est gisante par terre,
   Et parle, d'un ton aigre et douloureux aussi.
   D'une lampe au plafond tombe un rayon transi.
   "Dame Reine...-Encor toi, Satan!-Madame Reine...
   -"O Seigneur, faites mon oreille assez sereine
   Pour ouïr sans l'êcouter ce que dit le Malin!"
   -"Ah! ce fut un vaillant et galant châtelain
   Que votre êpoux! Toujours en guerre ou bien en fête;
   (Hêlas! j'en puis parler puisque je suis sa tête),
   Il vous aima, mais moins encore qu'il n'eût dû.
   Que de vertu gâtêe et que de temps perdu
   En vains tournois, en cours d'amour loin de sa dame
   Qui belle et jeune prit un amant, la pauvre âme!"
   -"O Seigneur, êcartez ce calice de moi!"
   -"Comme ils s'aimèrent! Ils s'êtaient jurê leur foi
   De s'êpouser sitôt que serait mort le maître,
   Et le tuèrent dans son sommeil d'un coup traître."
   -Seigneur, vous le savez, dès le crime accompli,
   J'eus horreur, et prenant ce jeune homme en oubli,
   Vins au roi, dêvoilant l'attentat effroyable,
   Et pour mieux dêjouer la malice du diable,
   J'obtins qu'on m'apportât en ma juste prison
   La tête de l'êpoux occis en trahison:
   Par ainsi le remords, devant ce triste reste,
   Me met toujours aux yeux mon action funeste.
   Et la ferveur de mon repentir s'en accroît,
   O Jêsus! Mais voici: le Malin qui se voit
   Dupe et qui voudrait bien ressaisir sa conquête,
   S'en vient-il pas loger dans cette pauvre tête
   Et me tenir de faux propos insidieux?
   O Seigneur, tendez-moi vos secours prêcieux!"
   -"Ce n'est pas le dêmon, ma Reine, c'est moi-même,
   Votre êpoux, qui vous parle en ce moment suprême,
   Votre êpoux qui, damnê (car j'êtais en mourant
   En êtat de pêchê mortel), vers vous se rend,
   O Reine, et qui, pauvre âme errante, prend la tête
   Qui fut la sienne aux jours vivants pour interprète
   Effroyable de son amour êpouvantê."
   -"O blasphème hideux, mensonge dêtestê!
   Monsieur Jêsus, mon maître adorable, exorcise
   Ce chef horrible et le vide de la hantise
   Diabolique qui n'en fait qu'un instrument
   Où souffle Belzêbuth fallacieusement,
   Comme dans une flûte on joue un air perfide!"
   -"O douleur, une erreur lamentable te guide,
   Reine, je ne suis pas Satan, je suis Henry!"
   -"Oyez, Seigneur, il prend la voix de mon mari!
   A mon secours, les Saints, à l'aide, Notre-Dame!"
   -"Je suis Henry, du moins, Reine, je suis son âme,
   Qui, par sa volontê, plus forte que l'enfer,
   Ayant su transgresser toute porte de fer
   Et de flamme, et braver leur impure cohorte,
   Hêlas! vient pour te dire avec cette voix morte
   Qu'il est d'autres amours encor que ceux d'ici.
   Tout immatêriels et sans autre souci
   Qu'eux-mêmes, des amours d'âmes et de pensêes.
   Ah! que leur fait le Ciel ou l'Enfer. Enlacêes,
   Les âmes, elles n'ont qu'elles-mêmes pour but!
   L'enfer pour elles, c'est que leur amour mourût,
   Et leur amour de son essence est immortelle!
   Hêlas! moi, je ne puis te suivre aux deux, cruelle
   Et seule peine en ma damnation. Mais toi,
   Damne-toi! Pousserons heureux à deux, la loi
   Des âmes, je le dis, c'est l'alme indiffêrence
   Pour la fêlicitê comme pour la souffrance
   Si l'amour partagê leur fait d'intimes cieux.
   Viens afin que l'enfer, jaloux, voie, envieux,
   Deux damnês ajouter, comme on double un dêlice,
   Tous les feux de l'amour à tous ceux du supplice,
   Et se sourire en un baiser perpêtuel!"
   -Ame de mon êpoux, tu sais qu'il est rêel
   Le repentir qui fait qu'en ce moment j'espère
   En la misêricorde ineffable du Père
   Et du Fils et du Saint-Esprit! Depuis un mois
   Que j'expie, attendant la mort que je te dois,
   En ce cachot trop doux encor, nue et par terre,
   Le crime monstrueux et l'infâme adultère,
   N'ai-je pas, repassant ma vie en sanglotant,
   O mon Henry, pleurê des siècles cet instant
   Où j'ai pu mêconnaître en toi celui qu'on aime?
   Va, j'ai revu, superbe et doux, toujours le même,
   Ton regard qui parlait dêlicieusement,
   Et j'entends, et c'est là mon plus dur châtiment,
   Ta noble voix, et je me souviens des caresses!
   Or si tu m'as absous et si tu t'intêresses
   A mon salut, du haut des cieux, ô cher souci,
   Manifeste-toi, parle, et dêmens celui-ci
   Qui blasphème et vomit d'affreuses hêrêsies!."
   -"Je te dis que je suis damnê! Tu t'extasies
   En terreurs vaines, ô ma Reine. Je te dis
   Qu'il te faut rebrousser chemin du Paradis,
   Vain sêjour du bonheur banal et solitaire
   Pour l'amour avec moi! Les amours de la terre
   Ont, tu le sais, de ces instants chastes et lents:
   L'âme veille, les sens se taisent somnolents,
   Le coeur qui se repose et le sang qui s'affaire
   Font dans tout l'être comme une douce faiblesse.
   Plus de dêsirs fiêvreux, plus d'êlans ênervants,
   On est des frères et des soeurs et des enfants,
   On pleure d'une intime et profonde allêgresse,
   On est les cieux, on est la terre, enfin on cesse
   De vivre et de sentir pour s'aimer au delà,
   Et c'est l'êternitê que je t'offre, prends-la!
   Au milieu des tourments nous serons dans la joie,
   Et le Diable aura beau meurtrir sa double proie,
   Nous rirons, et plaindrons ce Satan sans amour.
   Non, les Anges n'auront dans leur morne sêjour
   Rien de pareil à ces dêlices inouïes!"-
   La Comtesse est debout, paumes êpanouies.
   Elle fait le grand cri des amours surhumains,
   Puis se penche et saisit avec pâles mains
   La tête qui, merveille! a l'aspect de sourire.
   Un fantôme de vie et de chair semble luire
   Sur le hideux objet qui rayonne à prêsent
   Dans un nimbe languissamment phosphorescent.
   Un halo clair, semblable à des cheveux d'aurore,
   Tremble au sommet et semble au vent flotter encore
   Parmi le chant des cors à travers la forêt.
   Les noirs orbites ont des êclairs, on dirait
   De grands regrets de flamme et noirs. Le trou farouche
   Au rire affreux, qui fut, Comte Henry, ta bouche,
   Se transfigure rouge aux deux arcs palpitants
   De lèvres qu'aurêole un duvet de vingt ans,
   Et qui pour un baiser se tendent savoureuses...
   Et la Comtesse à la faèon des amoureuses
   Tient la tête terrible amplement, une main
   Derrière et l'autre sur le front, pâle, en chemin
   D'aller vers le baiser spectral, l'âme tendue,
   Hoquetant, dilatant sa prunelle perdue
   Au fond de ce regard vague qu'elle a devant...
   Soudain elle recule, et d'un geste rêvant
   (O femmes, vous avez ces allures de faire!)
   Elle laisse tomber la tête qui profère
   Une plainte, et, roulant, sonnant creux et longtemps:
   -"Mon Dieu, mon Dieu, pitiê! Mes pêchês pênitents
   Lèvent leurs pauvres bras vers ta bênêvolence,
   O ne les souffre pas criant en vain! O lance
   L'êclair de ton pardon qui tuera ce corps vil!
   Vois que mon âme est faible en ce dolent exil!
   Et ne la laisse pas au Mauvais qui la guette!
   O que je meure!"
   Avec le bruit d'un corps qu'on jette,
   La Comtesse à l'instant tombe morte, et voici:
   Son âme en blanc linceul, par l'espace êclairci
   D'une douce clartê d'or blond qui flue et vibre
   Monte au plafond ouvert dêsormais à l'air libre
   Et d'une ascension lente va vers les cieux.
   . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
   La tête est là, et dardant en l'air ses sombres yeux
   Et sautèle dans des attitudes êtranges:
   Telles dans les Assomptions des têtes d'anges,
   Et la bouche vomit un gêmissement long,
   Et des orbites vont coulant de pleurs de plomb.
  
   L'IMPÉNITENCE FINALE
   A Catulle Mendès.
  
   La petite marquise Osine est toute belle,
   Elle pourrait aller grossir la ribambelle
   Des folles de Watteau sous leur chapeau de fleurs
   Et de soleil, mais comme on dit, elle aime ailleurs.
   Parisienne en tout, spirituelle et bonne
   Et mauvaise à ne rien redouter de personne,
   Avec cet air mi-faux qui fait que l'on vous croit,
   C'est un ange fait pour le monde qu'elle voit,
   Un ange blond, et même on dit qu'il a des ailes.
   Vingt soupirants, brûlês du feu des meilleurs zèles
   Avaient en vain quêtê leur main à ses seize ans,
   Quand le pauvre marquis, quittant ses paysans
   Comme il avait quittê son escadron, vint faire
   Escale au Jockey; vous connaissez son affaire
   Avec la grosse Emma de qui-l'eussions-nous cru?
   Le bon garèon êtait absolument fêru,
   Son dêsespoir après le dêpart de la grue,
   Le duel avec Contran, c'est vieux comme la rue;
   Bref il vit la petite un jour dans un salon,
   S'en êprit tout d'un coup comme un fou; même l'on
   Dit qu'il en oublia si bien son infidèle
   Qu'on le voyait le jour d'ensuite avec Adèle.
   Temps et moeurs! La petite (on sait tout aux Oiseaux)
   Connaissait le roman du cher, et jusques aux
   Moindres chapitres: elle en conèut de l'estime.
   Aussi quand le marquis offrit sa lêgitime
   Et sa main contre sa menotte, elle dit: Oui,
   Avec un franc parler d'allêgresse inouï.
   Les parents, voyant sans horreur ce mariage
   (Le marquis êtait riche et pouvait passer sage),
   Signèrent au contrat avec laisser-aller.
   Elle qui voyait là quelqu'un à consoler
   Ouït la messe dans une ferveur profonde.
   Elle le consola deux ans. Deux ans du monde!
   Mais tout passe!
   Si bien qu'un jour elle attendait
   Un autre et que cet autre atrocement tardait,
   De dêpit la voilà soudain qui s'agenouille
   Devant l'image d'une Vierge à la quenouille
   Qui se trouvait là, dans cette chambre en garni,
   Demandant à Marie, en un trouble infini,
   Pardon de son pêchê si grand, si cher encore,
   Bien qu'elle croie au fond du coeur qu'elle l'abhorre.
   Comme elle relevait son front d'entre ses mains,
   Elle vit Jêsus-Christ avec les traits humains
   Et les habits qu'il a dans les tableaux d'êglise.
   Sêvère, il regardait tristement la marquise,
   La vision flottait blanche dans un jour bleu
   Dont les ondes, voilant l'apparence du lieu,
   Semblaient envelopper d'une atmosphère êlue
   Osine qui semblait d'extase irrêsolue
   Et qui balbutiait des exclamations.
   Des accords assoupis de harpe de Sions
   Cêlestes descendaient et montaient par la chambre,
   Et des parfums d'encens, de cinnamome et d'ambre.
   Fluaient, et le parquet retentissait des pas
   Mystêrieux de pieds que l'on ne voyait pas,
   Tandis qu'autour c'êtait, en dêcadences soyeuses,
   Un grand frêmissement d'ailes mystêrieuses
   La marquise restait à genoux, attendant,
   Toute admiration peureuse, cependant.
   Et le Sauveur parla:
   "Ma fille, le temps passe,
   Et ce n'est pas toujours le moment de la grâce.
   Profitez de cette heure, ou c'en est fait de vous."
   La vision cessa.
   Oui certes, il est doux
   Le roman d'un premier amant. L'âme s'essaie,
   C'est un jeune coureur à la première haie.
   C'est si mignard qu'on croit à peine que c'est mal.
   Quelque chose d'êtonnamment matutinal.
   On sort du mariage habitueux. C'est comme
   Qui dirait la fleur aurorale de l'homme,
   Et les baisers parmi cette fraîche clartê
   Sonnent comme des cris d'alouette en êtê,
   O le premier amant! Souvenez-vous, mesdames?
   Vagissant et timide êlancement des âmes
   Vers le fruit dêfendu qu'un soupir rêvêla...
   Mais le second amant d'une femme, voilà!
   Ou a tout su. La faute est bien dêlibêrêe
   Et c'est bien un nouvel êtat que l'on se crêe,
   Un autre mariage à soi-même avouê.
   Plus de retour possible au foyer bafouê.
   Le mari, dêbonnaire ou non, fait bonne garde
   Et dissimule mal. Dêjà rit et bavarde
   Le monde hostile et qui sêvirait au besoin.
   Ah! que l'aise de l'autre intrigue se fait loin,
   Mais aussi cette fois comme on vit, comme on aime.
   Tout le coeur est êclos en une fleur suprême.
   Ah! c'est bon! Et l'on jette à ce feu tout remords,
   On ne vit que pour lui, tous autres soins sont morts.
   On est à lui, on n'est qu'à lui, c'est pour la vie,
   Ce sera pour après la vie, et l'on dêfie
   Les lois humaines et divines, car on est
   Folle de corps et d'âme, et l'on ne reconnaît
   Plus rien, et l'on ne sait plus rien, sinon qu'on l'aime!
   Or cet amant êtait justement le deuxième
   De la marquise, ce qui fait qu'un jour après,
   -O sans malice et presque avec quelques regrets,-
   Elle le revoyait pour le revoir encore.
   Quant au miracle, comme une odeur s'êvapore
   Elle n'y pensa plus bientôt que vaguement.
   Un matin, elle êtait dans son jardin charmant,
   Un matin de printemps, un jardin de plaisance.
   Les fleurs vraiment semblaient saluer sa prêsence,
   Et frêmissaient au vent lêger, et s'inclinaient
   Et les feuillages, verts tendrement, lui donnaient
   L'aubade d'un timide et dêlicat ramage
   Et les petits oiseaux volant à son passage,
   Pêpiaient à plaisir dans l'air tout embaumê
   Des feuilles, des bourgeons et des gommes de mai.
   Elle pensait à lui; sa vue errait, distraite,
   A travers l'ombre jeune et la pompe discrète
   D'un grand rosier bercê d'un mouvement câlin,
   Quand elle vit Jêsus en vêtement de lin
   Qui marchait, êcartant les branches de l'arbuste
   Et la couvait d'un long regard triste. Et le Juste
   Pleurait. Et en tout un instant s'êvanouit.
   Elle se recueillait
   Soudain un petit bruit
   Se fit. On lui portait en secret une lettre,
   Une lettre de lui, qui lui marquait peut-être
   Un rendez-vous.
   Elle ne put la dêchirer.
   . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
   Marquis, pauvre marquis, qu'avez-vous à pleurer
   Au chevet de ce lit de blanche mousseline?
   Elle est malade, bien malade.
   "Soeur Aline,
   A-t-elle un peu dormi?"
   -"Mal, Monsieur le marquis."
   Et le marquis pleurait.
   "Elle est ainsi depuis
   Deux heures, somnolente et calme. Mais que dire
   De la nuit? Ah! Monsieur le marquis, quel dêlire?
   Elle vous appelait, vous demandait pardon
   Sans cesse, encor, toujours, et tirait le cordon
   De sa sonnette."
   Et le marquis frappait sa tête
   De ses deux poings et, fou dans sa douleur muette,
   Marchait à grands pas sourds sur les tapis êpais.
   (Dès qu'elle fut malade, elle n'eut pas de paix
   Qu'elle n'eût avouê ses fautes au pauvre homme
   Qui pardonna.) La soeur reprit pâle: "Elle eut comme
   Un rêve, un rêve affreux, Elle voyait Jêsus,
   Terrible sur la nue et qui marchait dessus,
   Un glaive dans la main droite et du la main gauche
   Qui ramait lentement comme une faux qui fauche,
   Écartant sa prière, et passait furieux."
   . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
   Un prêtre saluant les assistants des yeux,
   Entre.
   Elle dort.
   O ses paupières violettes!
   O ses petites mains qui tremblent maigrelettes!
   O tout son corps perdu dans des draps êtouffants!
   Regardez, elle meurt de la mort des enfants.
   Et le prêtre anxieux se penche à son oreille.
   Elle s'agite un peu, la voilà qui s'êveille,
   Elle voudrait parler, la voilà qui s'endort
   Plus pâle.
   Et le marquis: "Est-ce dêjà la mort?"
   Et le docteur lui prend les deux mains et sort vite,
   On l'enterrait hier matin. Pauvre petite!
  
   DON JUAN PIPÉ
   A Franèois Coppêe.
  
   Don Juan qui fut grand Seigneur en ce monde
   Est aux enfers ainsi qu'un pauvre immonde
   Pauvre, sans la barbe faite, et pouilleux,
   Et si ce n'êtaient la lueur de ses yeux
   Et la beautê de sa maigre figure,
   En le voyant ainsi quiconque jure
   Qu'il est un gueux et non ce hêros fier
   Aux dames comme aux poètes si cher
   Et dont l'auteur de ces humbles chroniques
   Vous va parler sur des faits authentiques.
   Il a son front dans ses mains et paraît
   Penser beaucoup à quelque grand secret.
   Il marche à pas douloureux sur la neige,
   Car c'est son châtiment que rien n'allège
   D'habiter seul et vêtu de lêger
   Loin de tout lieu où fleurit l'oranger
   Et de mener ses tristes promenades
   Sous un ciel veuf de toutes sêrênades
   Et qu'une lune morte êclaire assez
   Pour expier tous ses soleils passes.
   Il songe. Dieu peut gagner, car le Diable
   S'est vu rêduire à l'êtat pitoyable
   De tourmenteur et de geôlier gagê
   Pour être las trop tôt, et trop âgê.
   Du Rêvoltê de ja

Категория: Книги | Добавил: Armush (29.11.2012)
Просмотров: 399 | Рейтинг: 0.0/0
Всего комментариев: 0
Имя *:
Email *:
Код *:
Форма входа