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Верлен Поль - Oeuvres complètes de Paul Verlaine, Vol. 1, Страница 3

Верлен Поль - Oeuvres complètes de Paul Verlaine, Vol. 1


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trèves,
   Quand Marco chantait.
   Quand Marco pleurait, ses terribles larmes
   Dêfiaient l'êclat des plus belles armes;
   Ses lèvres de sang fonèaient leur carmin
   Et son dêsespoir n'avait rien d'humain;
   Pareil au foyer que l'huile exaspère,
   Son courroux croissait, rouge, et l'on aurait
   Dit d'une lionne à l'âpre forêt
   Communiquant sa terrible colère,
   Quand Marco pleurait.
   Quand Marco dansait, sa jupe moirêe
   Allait et venait comme une marêe,
   Et, tel qu'un bambou flexible, son flanc
   Se tordait, faisant saillir son sein blanc;
   Un êclair partait. Sa jambe de marbre,
   Emphatiquement cynique, haussait
   Ses mates splendeurs, et cela faisait
   Le bruit du vent de la nuit dans un arbre,
   Quand Marco dansait.
   Quand Marco dormait, oh! quels parfums d'ambre
   Et de chair mêlês opprimaient la chambre!
   Sous les draps la ligne exquise du dos
   Ondulait, et dans l'ombre des rideaux
   L'haleine montait, rhythmique et lêgère;
   Un sommeil heureux et calme fermait
   Ses yeux, et ce doux mystère charmait
   Les vagues objets parmi l'êtagère,
   Quand Marco dormait.
   Mais quand elle aimait, des flots de luxure
   Dêbordaient, ainsi que d'une blessure
   Sort un sang vermeil qui fume et qui bout,
   De ce corps cruel que son crime absout:
   Le torrent rompait les digues de l'âme,
   Noyait la pensêe, et bouleversait
   Tout sur son passage, et rebondissait
   Souple et dêvorant comme de la flamme,
   Et puis se glaèait.
  
   CESAR BORGIA
  
   PORTRAIT EN PIED
  
   Sur fond sombre noyant un riche vestibule
   Où le buste d'Horace et celui de Tibulle
   Lointain et de profil rêvent en marbre blanc,
   La main gauche au poignard et la main droite au flanc,
   Tandis qu'un rire doux redresse la moustache,
   Le duc CÉSAR, un grand costume, se dêtache.
   Les yeux noirs, les cheveux noirs et le velours noir
   Vont contrastant, parmi l'or somptueux d'un soir,
   Avec la pâleur mate et belle du visage
   Vu de trois quarts et très ombrê, suivant l'usage
   Des Espagnols ainsi que des Vênitiens,
   Dans les portraits de rois et de praticiens.
   Le nez palpite, fin et droit. La bouche, rouge,
   Est mince, et l'on dirait que la tenture bouge
   Au souffle vêhêment qui doit s'en exhaler.
   Et le regard errant avec laisser-aller,
   Devant lui, comme il sied aux anciennes peintures,
   Fourmille de pensers ênormes d'aventures.
   Et le front, large et pur, sillonnê d'un grand pli,
   Sans doute de projets formidables rempli,
   Mêdite sous la toque où frissonne une plume
   S'êlanèant hors d'un noeud de rubis qui s'allume.
  
   LA MORT DE PHILIPPE II
  
   A Louis-Xavier de Ricard.
   Le coucher d'un soleil de septembre ensanglante
   La plaine morne et l'âpre arête des sierras
   Et de la brume au loin l'installation lente.
   Le Guadarrama pousse entre les sables ras
   Son flot hâtif qui va rêflêchissant par places
   Quelques oliviers nains tordant leurs maigres bras.
   Le grand vol anguleux des êperviers rapaces
   Raye à l'ouest le ciel mat et rouge qui brunit,
   Et leur cri rauque grince à travers les espaces.
   Despotique, et dressant au-devant du zênith
   L'entassement brutal de ses tours octogones,
   L'Escurial êtend son orgueil de granit.
   Les murs carrês, percês de vitraux monotones,
   Montent droits, blancs et nus, sans autres ornements
   Que quelques grils sculptês qu'alternent des couronnes.
   Avec des bruits pareils aux rudes hurlements
   D'un ours que des bergers navrent de coups de pioches
   Et dont l'êcho redit les râles alarmants,
   Torrent de cris roulant ses ondes sur les roches,
   Et puis s'êvaporant en de murmures longs,
   Sinistrement dans l'air, du soir, tintent les cloches.
   Par les cours du palais, où l'ombre met ses plombs,
   Circule-tortueux serpent hiêratique-
   Une procession de moines aux frocs blonds
   Qui marchent un par un, suivant l'ordre ascêtique,
   Et qui, pieds nus, la corde aux reins, un cierge en main,
   Ululent d'une voix formidable un cantique.
   -Qui donc ici se meurt? Pour qui sur le chemin
   Cette paille êpandue et ces croix long-voilêes
   Selon le rituel catholique romain?-
   La chambre est haute, vaste et sombre. Niellêes,
   Les portes d'acajou massif tournent sans bruit,
   Leurs serrures êtant, comme leurs gonds, huilêes.
   Une vague rougeur plus triste que la nuit
   Filtre à rais indêcis par les plis des tentures
   A travers les vitraux où le couchant reluit,
   Et fait papilloter sur les architectures,
   A l'angle des objets, dans l'ombre du plafond,
   Ce halo singulier qu'ont voit dans les peintures.
   Parmi le clair-obscur transparent et profond
   S'agitent effarês des hommes et des femmes
   A pas furtifs, ainsi que les hyènes font.
   Riches, les vêtements des seigneurs et des dames
   Velours panne, satin soie, hermine et brocart,
   Chantent l'ode du luxe en chatoyantes gammes,
   Et, trouant par êclairs distancês avec art
   L'opaque demi-jour, les cuirasses de cuivre
   Des gardes alignês scintillent de trois quart
   Un homme en robe noire, à visage de guivre,
   Se penche, en caressant de la main ses fêmurs.
   Sur un lit, comme l'on se penche sur un livre.
   Des rideaux de drap d'or roides comme des murs
   Tombent d'un dais de bois d'êbène en droite ligne,
   Dardant à temps êgaux l'oeil des diamants durs.
   Dans le lit, un vieillard d'une maigreur insigne
   Égrène un chapelet, qu'il baise par moment,
   Entre ses doigts crochus comme des brins de vigne
   Ses lèvres font ce sourd et long marmottement,
   Dernier signe de vie et premier d'agonie,
   -Et son haleine pue êpouvantablement.
   Dans sa barbe couleur d'amarante ternie,
   Parmi ses cheveux blancs où luisent des tons roux
   Sous son linge bordê de dentelle jaunie,
   Avides, empressês, fourmillants, et jaloux
   De pomper tout le sang malsain du mourant fauve,
   En bataillons serrês vont et viennent les poux.
   C'est le Roi, ce mourant qu'assistê un mire chauve,
   Le Roi Philippe Deux d'Espagne,-Saluez!
   Et l'aigle autrichien s'effare dans l'alcôve,
   Et de grands êcussons, aux murailles clouês,
   Brillent, et maints drapeaux où l'oiseau noir s'êtale
   Pendent deèà delà, vaguement remuês!...
   -La porte s'ouvre. Un flot de lumière brutale
   Jaillit soudain, dêferle et bientôt s'êtablit
   Par l'ampleur de la chambre en nappe horizontale:
   Porteurs de torches, roux, et que l'extase emplit,
   Entrent dix capucins qui restent en prière:
   Un d'entre eux se dêtache et marche droit au lit.
   Il est grand, jeune et maigre, et son pas est de pierre,
   Et les êlancements farouches de la Foi
   Rayonnent à travers les cils de sa paupière;
   Son pied ferme et pesant et lourd, comme la Loi,
   Sonne sur les tapis, rêgulier, emphatique;
   Les yeux baissês en terre, il marche droit au Roi.
   Et tous sur son trajet dans un geste extatique
   S'agenouillent, frappant trois fois du poing leur sein,
   Car il porte avec lui le sacrê Viatique.
   Du lit s'êcarte avec respect le matassin,
   Le mêdecin du corps, en pareille occurrence,
   Devant cêder la place, Ame, à ton mêdecin.
   La figure du Roi, qu'êtire la souffrance,
   A l'approche du fray se rassêrène un peu.
   Tant la religion est grosse d'espêrance!
   Le moine, cette fois, ouvrant son oeil de feu,
   Tout brillant de pardons mêlês à des reproches,
   S'arrête, messager des justices de Dieu.
   -Sinistrement dans l'air du soir tintent les cloches.
   Et la Confession commence. Sur le flanc
   Se retournant, le roi, d'un ton sourd, bas et grêle,
   Parle de feux, de juifs, de bûchers et de sang.
   -"Vous repentiriez-vous par hasard de ce zèle?
   Brûler des juifs, mais c'est une dilection!
   Vous fûtes, ce faisant, orthodoxe et fidèle."-
   Et, se pêtrifiant dans l'exaltation,
   Le Rêvêrend, les bras croisês en croix, tête dressêe,
   Semble l'esprit sculptê de l'Inquisition.
   Ayant repris haleine, et d'une voix cassêe,
   Pêniblement, et comme arrachant par lambeaux
   Un remords douloureux du fond de sa pensêe,
   Le Roi, dont la lueur tragique des flambeaux
   Éclaire le visage osseux et le front blême,
   Prononce ces mots: Flandre, Albe, morts, sacs, tombeaux.
   -"Les Flamands, rêvoltês contre l'Église même,
   Furent très justement punis, à votre los,
   Et je m'êtonne, ô Roi, de ce doute suprême.
   "Poursuivez."-Et le roi parla de don Carlos.
   Et deux larmes coulaient tremblantes sur sa joue
   Palpitante et collêe affreusement à l'os.
   -"Vous dêplorez cet acte, et moi je vous en loue!
   L'Infant, certes, êtait coupable au dernier point,
   Ayant voulu tirer l'Espagne dans la boue
   "De l'hêrêsie anglaise, et de plus n'ayant point
   Frêmi de conspirer-ô ruses abhorrêes!-
   Et contre un Père, et contre un Maître, et contre un Oint!"-
   Le moine ensuite dit les formules sacrêes
   Par quoi tous nos pêchês nous sont remis, et puis,
   Prenant l'Hostie avec ses deux mains timorêes,
   Sur la langue du Roi la dêposa. Tous bruits
   Se sont tus, et la Cour, pliant dans la dêtresse,
   Pria, muette et pâle, et nul n'a su depuis
   Si sa prière fut sincère ou bien traîtresse.
   -Qui dira les pensers obscurs que protêgea
   Ce silence, brouillard complice qui se dresse?-
   Ayant communiê, le Roi se replongea
   Dans l'ampleur des coussins, et la bêatitude
   De l'Absolution reèue ouvrant dêjà
   L'oeil de son âme au jour clair de la certitude,
   êpanouit ses traits en un sourire exquis
   Qui tenait de la fièvre et de la quiêtude.
   Et tandis qu'alentour ducs, comtes et marquis,
   Pleins d'angoisses, fichaient leurs yeux sous la courtine.
   L'âme du Roi montait aux cieux conquis.
   Puis le râle des morts hurla dans la poitrine
   De l'auguste malade avec des sursauts fous:
   Tel l'ouragan passe à travers une ruine.
   Et puis, plus rien; et puis, sortant par mille trous,
   Ainsi que des serpents frileux de leur repaire,
   Sur le corps froid les vers se mêlèrent aux poux.
   -Philippe Deux êtait à la droite du Père.
  
   ÉPILOGUE
  
   I
  
   Le soleil, moins ardent, luit clair au ciel moins dense.
   Balancês par un vent automnal et berceur,
   Les rosiers du jardin s'inclinent en cadence.
   L'atmosphère ambiante a des baisers de soeur,
   La Nature a quittê pour cette fois son trône
   De splendeur, d'ironie et de sêrênitê:
   Clêmente, elle descend, par l'ampleur de l'air jaune,
   Vers l'homme, son sujet pervers et rêvoltê.
   Du pan de son manteau que l'abîme constelle,
   Elle daigne essuyer les moiteurs de nos fronts,
   Et son âme êternelle et sa forme immortelle
   Donnent calme et vigueur à nos coeurs mous et prompts.
   Le frais balancement des ramures chenues,
   L'horizon êlargi plein de vagues chansons,
   Tout, jusqu'au vol joyeux des oiseaux et des nues,
   Tout aujourd'hui console et dêlivre.-Pensons.
  
   II
  
   Donc, c'en est fait. Ce livre est clos. Chères Idêes
   Qui rayiez mon ciel gris de vos ailes de feu
   Dont le vent caressait mes tempes obsêdêes,
   Vous pouvez revoler devers l'Infini bleu!
   Et toi, Vers qui tintais, et toi, Rime sonore,
   Et vous, Rythmes chanteurs, et vous, dêlicieux
   Ressouvenirs, et vous, Rêves, et vous encore,
   Images qu'êvoquaient mes dêsirs anxieux,
   Il faut nous sêparer. Jusqu'aux jours plus propices
   Ou nous rêunira l'Art, notre maître, adieu,
   Adieu, doux compagnons, adieu, charmants complices!
   Vous pouvez revoler devers l'Infini bleu.
   Aussi bien, nous avons fourni notre carrière
   Et le jeune êtalon de notre bon plaisir,
   Tout affolê qu'il est de sa course première,
   A besoin d'un peu d'ombre et de quelque loisir.
   -Car toujours nous t'avons fixêe, ô Poêsie,
   Notre astre unique et notre unique passion,
   T'ayant seule pour guide et compagne choisie,
   Mère, et nous mêfiant de l'Inspiration.
  
   III
  
   Ah! l'Inspiration superbe et souveraine,
   L'Égêrie aux regards lumineux et profonds,
   Le Genium commode et l'Erato soudaine,
   L'Ange des vieux tableaux avec des ors au fond,
   La Muse, dont la voix est puissante sans doute,
   Puisqu'elle fait d'un coup dans les premiers cerveaux,
   Comme ces pissenlits dont s'êmaille la route,
   Pousser tout un jardin de poèmes nouveaux,
   La Colombe, le Saint-Esprit, le saint dêlire,
   Les Troubles opportuns, les Transports complaisants,
   Gabriel et son luth, Apollon et sa lyre,
   Ah! l'Inspiration, on l'invoque à seize ans!
   Ce qu'il nous faut à nous, les Suprêmes Poèles
   Qui vênêrons les Dieux et qui n'y croyons pas,
   A nous dont nul rayon n'aurêola les têtes,
   Dont nulle Bêatrix n'a dirigê les pas,
   A nous qui ciselons les mots comme des coupes
   Et qui faisons des vers êmus très froidement,
   A nous qu'on ne voit point les soirs aller par groupes
   Harmonieux au bord des lacs et nous pàmant,
   Ce qu'il nous faut, à nous, c'est, aux lueurs des lampes,
   La science conquise et le sommeil domptê,
   C'est le front dans les mains du vieux Faust des estampes,
   C'est l'Obstination et c'est la Volontê!
   C'est la Volontê sainte, absolue, êternelle,
   Cramponnêe au projet comme un noble condor
   Aux flancs fumants de peur d'un buffle, et d'un coup d'aile
   Emportant son trophêe à travers les cieux d'or!
   Ce qu'il nous faut à nous, c'est l'êtude sans trêve,
   C'est l'effort inouï, le combat non pareil,
   C'est la nuit, l'âpre nuit du travail, d'où se lève
   Lentement, lentement, l'Oeuvre, ainsi qu'un soleil!
   Libre à nos Inspirês, coeurs qu'une oeillade enflamme.
   D'abandonner leur être aux vents comme un bouleau:
   Pauvres gens! l'Art n'est pas d'êparpiller son âme:
   Est-elle eu marbre, ou non, la Vênus de Milo?
   Nous donc, sculptons avec le ciseau des Pensêes
   Le bloc vierge du Beau, Paros immaculê,
   Et faisons-en surgir sous nos mains empressêes
   Quelque pure statue au pêplos êtoile,
   Afin qu'un jour, frappant de rayons gris et roses
   Le chef-d'oeuvre serein, comme un nouveau Memnon
   L'Aube-Postêritê, fille des Temps moroses,
   Fasse dans l'air futur retentir notre nom!
  
   FÊTES GALANTES
  
  
   CLAIR DE LUNE
  
   Votre âme est un paysage choisi
   Que vont charmants masques et bergamasques,
   Jouant du luth et dansant et quasi
   Tristes sous leurs dêguisements fantasques.
   Tout en chantant sur le mode mineur
   L'amour vainqueur et la vie opportune,
   Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur
   Et leur chanson se mêle au clair de lune,
   Au calme clair de lune triste et beau,
   Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
   Et sangloter d'extase les jets d'eau,
   Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres.
  
   PANTOMIME
  
   Pierrot, qui n'a rien d'un Clitandre,
   Vide un flacon sans plus attendre,
   Et, pratique, entame un pâtê.
   Cassandre, au fond de l'avenue,
   Verse une larme mêconnue
   Sur son neveu dêshêritê.
   Ce faquin d'Arlequin combine
   L'enlèvement de Colombine
   Et pirouette quatre fois.
   Colombine rêve, surprise
   De sentir un coeur dans la brise
   Et d'entendre en son coeur des voix.
  
   SUR L'HERBE
  
   L'abbê divague.-Et toi, marquis,
   Tu mets de travers ta perruque.
   -Ce vieux vin de Chypre est exquis
   Moins, Camargo, que votre nuque.
   -Ma flamme...-Do, mi, sol, la, si.
   -L'abbê, ta noirceur se dêvoile.
   -Que je meure, Mesdames, si
   Je ne vous dêcroche une êtoile.
   -Je voudrais être petit chien!
   -Embrassons nos bergères, l'une
   Après l'autre.-Messieurs, eh bien?
   -Do, mi, sol.-Hê! bonsoir la Lune!
  
   L'ALLÉE
  
   Fardêe et peinte comme au temps des bergeries,
   Frêle parmi les noeuds ênormes de rubans,
   Elle passe, sous les ramures assombries,
   Dans l'allêe où verdit la mousse des vieux bancs,
   Avec mille faèons et mille affêteries
   Qu'on garde d'ordinaire aux perruches chêries.
   Sa longue robe à queue est bleue, et l'êventail
   Qu'elle froisse en ses doigts fluets aux larges bagues
   S'êgaie en des sujets êrotiques, si vagues
   Qu'elle sourit, tout en rêvant, à maint dêtail.
   -Blonde en somme. Le nez mignon avec la bouche
   Incarnadine, grasse, et divine d'orgueil
   Inconscient.-D'ailleurs plus fine que la mouche
   Qui ravive l'êclat un peu niais de l'oeil.
  
   A LA PROMENADE
  
   Le ciel si pâle et les arbres si grêles
   Semblent sourire à nos costumes clairs
   Qui vont flottant lêgers avec des airs
   De nonchalance et des mouvements d'ailes.
   Et le vent doux ride l'humble bassin,
   Et la lueur du soleil qu'attênue
   L'ombre des bas tilleuls de l'avenue
   Nous parvient bleue et mourante à dessein.
   Trompeurs exquis et coquettes charmantes
   Coeurs tendres mais affranchis du serment
   Nous devisons dêlicieusement,
   Et les amants lutinent les amantes
   De qui la main imperceptible sait
   Parfois donner un soufflet qu'on êchange
   Contre un baiser sur l'extrême phalange
   Du petit doigt, et comme la chose est
   Immensêment excessive et farouche,
   On est puni par un regard très sec,
   Lequel contraste, au demeurant, avec
   La moue assez clêmente de la bouche.
  
   DANS LA GROTTE
  
   Là, je me tue à vos genoux!
   Car ma dêtresse est infinie,
   Et la tigresse êpouvantable d'Hyrcanie
   Est une agnelle au prix de vous.
   Oui, cêans, cruelle Clymène,
   Ce glaive qui, dans maints combats,
   Mit tant de Scipions et de Cyrus à bas,
   Va finir ma vie et ma peine!
   Ai-je même besoin de lui
   Pour descendre aux Champs-Elysêes?
   Amour perèa-t-il pas de flèches aiguisêes
   Mon coeur, dès que votre oeil m'eût lui?
  
   LES INGÉNUS
  
  
   Les hauts talons luttaient avec les longues jupes,
   En sorte que, selon le terrain et le vent,
   Parfois luisaient des bas de jambe, trop souvent
   Interceptês!-et nous aimions ce jeu de dupes.
   Parfois aussi le dard d'un insecte jaloux
   Inquiêtait le col des belles, sous les branches,
   Et c'êtait des êclairs soudains de nuques blanches
   Et ce rêgal comblait nos jeunes yeux de fous.
   Le soir tombait, un soir êquivoque d'automne:
   Les belles, se pendant rêveuses à nos bras,
   Dirent alors des mots si spêcieux, tout bas,
   Que notre âme depuis ce temps tremble et s'êtonne.
  
   CORTÈGE
  
   Un singe en veste de brocart
   Trotte et gambade devant elle
   Qui froisse un mouchoir de dentelle
   Dans sa main gantêe avec art,
   Tandis qu'un nêgrillon tout rouge
   Maintient à tour de bras les pans
   De sa lourde robe en suspens,
   Attentif à tout pli qui bouge;
   Le singe ne perd pas des yeux
   La gorge blanche de la dame.
   Opulent trêsor que rêclame
   Le torse nu de l'un des dieux;
   Le nêgrillon parfois soulève
   Plus haut qu'il ne faut, l'aigrefin,
   Son fardeau somptueux, afin
   De voir ce dont la nuit il rêve;
   Elle va par les escaliers,
   Et ne paraît pas davantage
   Sensible à l'insolent suffrage
   De ses animaux familiers.
  
   LES COQUILLAGES
  
   Chaque coquillage incrustê
   Dans la grotte où nous nous aimâmes
   A sa particularitê,
   L'un a la pourpre de nos âmes
   Dêrobêe au sang de nos coeurs
   Quand je brûle et que tu t'enflammes;
   Cet autre affecte tes langueurs
   Et tes pâleurs alors que, lasse,
   Tu m'en veux de mes yeux moqueurs;
   Celui-ci contrefait la grâce
   De ton oreille, et celui-là
   Ta nuque rose, courte et grasse;
   Mais un, entre autres, me troubla.
  
   EN PATINANT
  
   Nous fûmes dupes, vous et moi,
   De manigances mutuelles,
   Madame, à cause de l'êmoi
   Dont l'Étê fêrut nos cervelles.
   Le Printemps avait bien un peu
   Contribuê, si ma mêmoire
   Est bonne, à brouiller notre jeu,
   Mais que d'une faèon moins noire!
   Car au printemps l'air est si frais
   Qu'en somme les roses naissantes,
   Qu'Amour semble entr'ouvrir exprès,
   Ont des senteurs presque innocentes;
   Et même les lilas ont beau
   Pousser leur haleine poivrêe,
   Dans l'ardeur du soleil nouveau,
   Cet excitant au plus rêcrêe,
   Tant le zêphir souffle, moqueur,
   Dispersant l'aphrodisiaque
   Effluve, en sorte que le coeur
   Chôme et que même l'esprit vaque,
   Et qu'êmoustillês, les cinq sens
   Se mettent alors de la fête,
   Mais seuls, tout seuls, bien seuls et sans
   Que la crise monte à la tête.
   Ce fut le temps, sous de clairs ciels
   (Vous en souvenez-vous, Madame?),
   Des baisers superficiels
   Et des sentiments à fleur d'âme,
   Exempts de folles passions,
   Pleins d'une bienveillance amène.
   Comme tous deux nous jouissions
   Sans enthousiasme-et sans peine!
   Heureux instants!-mais vint l'Étê:
   Adieu, rafraîchissantes brises?
   Un vent de lourde voluptê
   Investit nos âmes surprises.
   Des fleurs aux calices vermeils
   Nous lancèrent leurs odeurs mûres,
   Et partout les mauvais conseils
   Tombèrent sur nous des ramures
   Nous cêdâmes à tout cela,
   Et ce fut un bien ridicule
   Vertigo qui nous affola
   Tant que dura la canicule.
   Rires oiseux, pleurs sans raisons,
   Mains indêfiniment pressêes,
   Tristesses moites, pâmoisons,
   Et quel vague dans les pensêes!
   L'automne heureusement, avec
   Son jour froid et ses bises rudes,
   Vint nous corriger, bref et sec,
   De nos mauvaises habitudes,
   Et nous induisit brusquement
   &n

Категория: Книги | Добавил: Armush (29.11.2012)
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