p; A parler discipline avec ces bons lourdauds
Se levait, à grands pas marchait, les mains au dos,
Et racontait alors quelque fait politique
Dont il se proclamait le têmoin authentique,
La distribution des Aigles, les Adieux,
Le Sacre et ce Dix-huit Brumaire radieux,
Beau jour où le soldat qu'un bavard importune
Brisa du même coup orateurs et tribune,
Où le dieu Mars mis par la Chambre hors la Loi
Mit la Loi hors la Chambre et, sans dire pourquoi,
Balaya du pouvoir tous ces ergoteurs glabres,
Tous ces lêgislateurs qui n'avaient pas de sabres!
Tel parlait et faisait le grognard prêcitê
Qui mourut centenaire à peu près l'autre êtê.
Le maire conduisit le deuil au cimetière.
Un feu de peloton fut tirê sur la bière
Par le garde champêtre et quatorze pompiers,
Dont sept revinrent plus ou moins estropiês
A cause des mauvais fusils de la campagne.
Un tertre qu'une pierre assez grande accompagne
Et qu'orne un saule en pleurs est l'humble monument
Où notre hêros dort perpêtuellement.
De plus, suivant le voeu dernier du camarade,
On grava sur la pierre, après ses noms et grade,
Ces mots que tout Franèais doit lire en tressaillant:
"Amour à la plus belle et gloire au plus vaillant."
LES LOUPS
Parmi l'obscur champ de bataille
Rôdant sans bruit sous le ciel noir,
Les loups obliques font ripaille
Et c'est plaisir que de les voir,
Agiles, les yeux verts, aux pattes
Souples sur les cadavres mous,
-Gueules vastes et têtes plates-
Joyeux, hêrisser leurs poils roux.
Un rauquement rien moins que tendre
Accompagne les dents mâchant,
Et c'est plaisir que de l'entendre,
Cet hosannah vil et mêchant:
-"Chair entaillêe et sang qui coule,
Les hêros ont du bon vraiment.
La faim repue et la soif soûle
Leur doivent bien ce compliment.
"Mais aussi, soit dit sans reproche,
Combien de peines et de pas
Nous a coûtês leur seule approche,.
On ne l'imaginerait pas.
"Dès que, sans pitiê ni relâches,
Sonnèrent leurs pas fanfarons,
Nos coeurs de fauves et de lâches,
A la fois gourmands et poltrons,
"Pressentant la guerre et la proie
Pour maintes nuits et pour maints jours
Battirent de crainte et de joie
A l'unisson de leurs tambours.
"Quand ils apparurent ensuite
Tout êtincelants de mêlai,
Oh! quelle peur et quelle fuite
Vers la femelle, au bois natal!
"Ils allaient fiers, les jeunes hommes,
Calmes sous leur drapeau flottant,
Et plus forts que nous ne le sommes
Ils avaient l'air très doux pourtant.
"Le fer terrible de leurs glaives
Luisait moins encor que leurs yeux,
Où la candeur d'augustes rêves
Éclatait en regards joyeux.
"Leurs cheveux que le vent fouette
Sous leurs casques battaient, pareils
Aux ailes de quelque mouette,
Pales avec des tons vermeils.
"Ils chantaient des choses hautaines!
Ça parlait de libres combats,
D'amour, de brisements de chaînes
Et de mauvais dieux mis à bas.-
"Ils passèrent. Quand leur cohorte
Ne fut plus là-bas qu'un point bleu,
Nous nous arrangeâmes en sorte
De les suivre en nous risquant peu.
"Longtemps, longtemps rasant la terre,
Discrets, loin derrière eux, tandis
Qu'ils allaient au pas militaire,
Nous marchâmes par rang de dix.
"Passant les fleuves à la nage
Quand ils avaient rompu les ponts,
Quelques herbes pour tout carnage,
N'avanèant que par faibles bonds,
"Perdant à tout moment haleine...
Enfin une nuit ces dêmons
Campèrent au fond d'une plaine
Entre des forêts et des monts,
"Là nous les guettâmes à l'aise,
Car ils dormaient pour la plupart.
Nos yeux pareils à de la braise
Brillaient autour de leur rempart,
"Et le bruit sec de nos dents blanches
Qu'attendaient des festins si beaux
Faisait cliqueter dans les branches
Le bec avide des corbeaux.
"L'aurore êclate. Une fanfare
Épouvantable met sur pied
La troupe entière qui s'effare.
Chacun s'êquipe comme il sied.
"Derrière les hautes futaies
Nous nous sommes dissimulês
Tandis que les prochaines haies
Cachent les corbeaux affolês.
"Le soleil qui monte commence
A brûler. La terre a frêmi.
Soudain une clameur immense
A retenti. C'est l'ennemi!
"C'est lui, c'est lui! Le sol rêsonne
Sous les pas durs des conquêrants.
Les polêmarques en personne
Vont et viennent le long des rangs.
"Et les lances et les êpêes
Parmi les plis des êtendards
Flambent entre les êchappêes
De lumières et de brouillards.
"Sur ce, dans ses courroux êpiques.
La jeune bande s'avanèa,
Gaie et sereine sous les piques,
Et la bataille commenèa.
"Ah! ce fut une chaude affaire:
Cris confus, choc d'armes, le tout
Pendant une journêe entière,
Sous l'ardeur rouge d'un ciel d'août.
"Le soir.-Silence et calme. A peine
Un vague moribond tardif
Crachant sa douleur et sa haine
Dans un hoquet dêfinitif;
"A peine, au lointain gris, le triste
Appel d'un clairon êgarê.
Le couchant d'or et d'amêthyste
S'êteint et brunit par degrê.
"La nuit tombe. Voici la lune!
Elle cache et montre à moitiê
Sa face hypocrite comme une
Complice feignant la pitiê.
"Nous autres qu'un tel souci laisse
Et laissera toujours très cois,
Nous n'avons pas cette faiblesse,
Car la faim nous chasse du bois,
"Et nous avons de quoi repaître
Cet impêrial appêtit,
Le champ de bataille sans maître
N'êtant ni vide ni petit.
"Or, sans plus perdre en phrases vaines
Dont quelque sot serait jaloux
Cette faèon de grasses aubaines,
Buvons et mangeons, nous, les Loups!"
LA PUCELLE
A Robert Caze.
Quand dêjà pêtillait et flambait le bûcher,
Jeanne qu'assourdissait le chant brutal des prêtres,
Sous tous ces yeux dardês de toutes ces fenêtres
Sentit frêmir sa chair et son âme broncher.
Et semblable aux agneaux que revend au boucher
Le pâtour qui s'en va sifflant des airs champêtres,
Elle considêra les choses et les êtres
Et trouva son seigneur bien ingrat et lêger.
"C'est mal, gentil Bâtard, doux Charles, bon Xaintrailles,
De laisser les Anglais faire ces funêrailles
A qui leur fit lever le siège d'Orlêans."
Et la Lorraine, au seul penser de cette injure,
Tandis que l'êtreignait la mort des mêcrêants,
Las! pleura comme eût fait une autre crêature.
L'ANGELUS DU MATIN
A Lêon Vanier.
Fauve avec des tons d'êcarlate,
Une aurore de fin d'êtê
Tempêtueusement êclate
A l'horizon ensanglantê.
La nuit rêveuse, bleue et bonne,
Pâlit, scintille et fond en l'air,
Et l'ouest dans l'ombre qui frissonne
Se teinte au bord de rose clair.
La plaine brille au loin et fume.
Un oblique rayon venu
Du soleil surgissant allume
Le fleuve comme un sabre nu.
Le bruit des choses rêveillêes
Se marie aux brouillards lêgers
Que les herbes et les feuillêes
Ont subitement dêgagês.
L'aspect vague du paysage
S'accentue et change à foison.
La silhouette d'un village
Paraît.-Parfois une maison
Illumine sa vitre et lance
Un grand êclair qui va chercher
L'ombre du bois plein de silence.
Ça et là se dresse un clocher.
Cependant, la lumière accrue
Frappe dans les sillons les socs
Et voici que claire, bourrue,
Despotique, la voix des coqs
Proclamant l'heure froide et grise
Du pain mangê sans faim, des yeux
Frottês que flagelle la bise
Et du grincement des moyeux,
Fait sortir des toits la fumêe,
Aboyer les chiens en fureur,
Et par la pente accoutumêe
Descendre le lourd laboureur,
Tandis qu'un choeur de cloches dures,
Dans le grandissement du jour,
Monte, aubade franche d'injures,
A l'adresse du Dieu d'amour!
LA SOUPE DU SOIR
A J.-K. Huysmans.
Il fait nuit dans la chambre êtroite et froide où l'homme
Vient de rentrer, couvert de neige, en blouse, et comme
Depuis trois jours il n'a pas prononcê deux mots,
La femme a peur et fait des signes aux marmots.
Un seul lit, un bahut disloquê, quatre chaises,
Des rideaux jadis blancs conchiês des punaises,
Une table qui va s'êcroulant d'un côtê,-
Le tout navrant avec un air de saletê.
L'homme, grand front, grands yeux pleins d'une sombre flamme,
A vraiment des lueurs d'intelligence et d'âme,
Et c'est ce qu'on appelle un solide garèon.
La femme, jeune encore, est belle à sa faèon.
Mais la Misère a mis sur eux sa main funeste,
Et perdant par degrês rapides ce qui reste
En eux de tristement vênêrable et d'humain,
Ce seront la femelle et le mâle, demain.
Tous se sont attablês pour manger de la soupe
Et du boeuf, et ce tas sordide forme un groupe
Dont l'ombre à l'infini s'allonge tout autour
De la chambre, la lampe êtant sans abat-jour.
Les enfants sont petits et pâles, mais robustes
En dêpit des maigreurs saillantes de leurs bustes,
Qui disent les hivers passês sans feu souvent
Et les êtês subits dans un air êtouffant.
Non loin d'un vieux fusil rouillê qu'un clou supporte
Et que la lampe fait luire d'êtrange sorte,
Quelqu'un qui chercherait longtemps dans ce retrait
Avec l'oeil d'un agent de police verrait
Empilês dans le fond de la boiteuse armoire
Quelques livres poudreux de "science" et "d'histoire",
Et, sous le matelas, cachês avec grand soin,
Des romans capiteux cornês à chaque coin.
Ils mangent cependant. L'homme, morne et farouche,
Porte la nourriture êcoeurante à sa bouche
D'un air qui n'est rien moins nonobstant que soumis,
Et son euslache semble à d'autres soins promis.
La femme pense à quelque ancienne compagne,
Laquelle a tout, voiture et maison de campagne,
Tandis que les enfants, leurs poings dans leurs yeux clos,
Ronflant sur leur assiette, imitent des sanglots.
LES VAINCUS
A Louis-Xavier de Ricard.
I
La Vie est triomphante et l'Idêal est mort,
Et voilà que, criant sa joie au vent qui passe,
Le cheval enivrê du vainqueur broie et mord
Nos frères, qui du moins tombèrent avec grâce,
Et nous que la dêroute a fait survivre, hêlas!
Les pieds meurtris, les yeux troublês, la tête lourde,
Saignants, veules, fangeux, dêshonorês et las,
Nous allons, êtouffant mal une plainte sourde,
Nous allons, au hasard du soir et du chemin,
Comme les meurtriers et comme les infâmes,
Veufs, orphelins, sans toit, ni fils, ni lendemain,
Aux lueurs des forêts familières en flammes!
Ah! puisque notre sort est bien complet, qu'enfin
L'espoir est aboli, la dêfaite certaine,
Et que l'effort le plus ênorme serait vain,
Et puisque c'en est fait, de notre haine,
Nous n'avons plus, à l'heure où tombera la nuit,
Abjurant tout risible espoir de funêrailles,
Qu'à nous laisser mourir obscurêment, sans bruit,
Comme il sied aux vaincus des suprêmes batailles.
II
Une faible lueur palpite à l'horizon
Et le vent glacial qui s'êlève redresse
Le feuillage des bois elles fleurs du gazon;
C'est l'aube! tout renaît sous sa froide caresse.
De fauve l'Orient devient rose, et l'argent
Des astres va bleuir dans l'azur qui se dore;
Le coq chante, veilleur exact et diligent;
L'alouette a volê stridente: c'est l'aurore!
Éclatant, le soleil surgit: c'est le matin!
Amis, c'est le matin splendide dont la joie
Heurte ainsi notre lourd sommeil, et le festin
Horrible des oiseaux et des bêtes de proie.
O prodige! en nos coeurs le frisson radieux
Met à travers l'êclat subit de nos cuirasses,
Avec un violent dêsir de mourir mieux,
La colère et l'orgueil anciens des bonnes races.
Allons, debout! allons, allons! debout, debout!
Assez comme cela de hontes et de trêves!
Au combat, au combat! car notre sang qui bout
A besoin de fumer sur la pointe des glaives!
III
Les vaincus se sont dit dans la nuit de leurs geôles:
Ils nous ont enchaînês, mais nous vivons encor.
Tandis que les carcans font ployer nos êpaules,
Dans nos veines le sang circule, bon trêsor.
Dans nos têtes nos yeux rapides avec ordre
Veillent, fins espions, et derrière nos fronts
Notre cervelle pense, et s'il faut tordre ou mordre,
Nos mâchoires seront dures et nos bras prompts.
Lêgers, ils n'ont pas vu d'abord la faute immense
Qu'ils faisaient, et ces fous qui s'en repentiront
Nous ont jetê le lâche affront de la clêmence.
Bon! la clêmence nous vengera de l'affront.
Ils nous ont enchaînês! Mais les chaînes sont faites
Pour tomber sous la lime obscure et pour frapper
Les gardes qu'on dêsarme, et les vainqueurs en fêtes
Laissent aux êvadês le temps de s'êchapper.
Et de nouveau bataille! Et victoire peut-être,
Mais bataille terrible et triomphe inclêment,
Et comme cette fois le Droit sera le maître,
Cette fois-là sera la dernière, vraiment!
IV
Car les morts, en dêpit des vieux rêves mystiques,
Sont bien morts, quand le fer a bien fait son devoir,
Et les temps ne sont plus des fantômes êpiques
Chevauchant des chevaux spectres sous le ciel noir,
La jument de Roland et Roland sont des mythes
Dont le sens nous êchappe et rêclame un effort
Qui perdrait notre temps, et si vous vous promîtes
D'être êpargnês par nous vous vous trompâtes fort.
Vous mourrez de nos mains, sachez-le, si la chance
Est pour nous. Vous mourrez, suppliants, de nos mains.
La justice le veut d'abord, puis la vengeance,
Puis le besoin pressant d'importuns lendemains.
Et la terre, depuis longtemps aride et maigre,
Pendant longtemps boira joyeuse votre sang
Dont la lourde vapeur savoureusement aigre
Montera vers la nue et rougira son flanc,
Et les chiens et les loups et les oiseaux de proie
Feront vos membres nets et fouilleront vos troncs,
Et nous rirons, sans rien qui trouble notre joie,
Car les morts sont bien morts et nous vous l'apprendrons.
A LA MANIÈRE DE PLUSIEURS
LA PRINCESSE BÉRÉNICE
A Jacques Madeleine.
Sa tête fine dans sa main toute petite,
Elle êcoute le chant des cascades lointaines,
Et dans la plainte langoureuse des fontaines,
Perèoit comme un êcho bêni du nom de Tite.
Elle a fermê ses yeux divins de clêmatite
Pour bien leur peindre, au coeur des batailles hautaines,
Son doux hêros, le mieux aimant des capitaines,
Et, Juive, elle se sent au pouvoir d'Aphrodite.
Alors un grand souci la prend d'être amoureuse.
Car dans Rome une loi bannit, barbare, affreuse,
Du trône impêrial toute femme êtrangère.
Et sous le noir chagrin dont sanglote son âme,
Entre les bras de sa servante la plus chère,
La reine, hêlas! dêfaille et tendrement se pâme.
II
LANGUEUR
A Georges Courteline.
Je suis l'Empire à la fin de la dêcadence,
Qui regarde passer les grands Barbares blancs
En composant des acrostiches indolents
D'un style d'or où la langueur du soleil danse.
L'âme seulette a mal au coeur d'un ennui dense.
Là-bas on dit qu'il est de longs combats sanglants.
O n'y pouvoir, êtant si faible aux voeux si lents,
O n'y vouloir fleurir un peu de cette existence!
O n'y vouloir, ô n'y pouvoir mourir un peu!
Ah! tout est bu! Bathylle, as-tu fini de rire?
Ah! tout est bu, tout est mangê! Plus rien à dire!
Seul, un poème un peu niais qu'on jette au feu,
Seul, un esclave un peu coureur qui vous nêglige,
Seul, un ennui d'on ne sait quoi qui vous afflige!
III
PANTOUM NÉGLIGÉ
Trois petits pâtês, ma chemise brûle.
Monsieur le curê n'aime pas les os.
Ma cousine est blonde, elle a nom Ursule,
Que n'êmigrons-nous vers les Palaiseaux.
Ma cousine est blonde, elle a nom Ursule,
On dirait d'un cher glaïeul sur les eaux
Vivent le muguet et la campanule!
Dodo, l'enfant do, chantez, doux fuseaux.
Que n'êmigrons-nous vers les Palaiseaux.
Trois petits pâtês, un point et virgule;
On dirait d'un cher glaïeul sur les eaux;
Vivent le muguet et la campanule.
Trois petits pâtês, un point et virgule;
Dodo, l'enfant do, chantez, doux fuseaux.
La libellule erre parmi des roseaux.
Monsieur le Curê, ma chemise brûle.
IV
PAYSAGE
Vers Saint-Denis c'est bête et sale la campagne.
C'est pourtant là qu'un jour j'emmenai ma compagne.
Nous êtions de mauvaise humeur et querellions.
Un plat soleil d'êtê tartinait ses rayons
Sur la plaine sêchêe ainsi qu'une rôtie.
C'êtait pas trop après le Siège: une partie
Des "maisons de campagne" êtait à terre encor,
D'autre se relevaient comme on hisse un dêcor,
Et des obus tout neufs encastrês aux pilastres
Portaient êcrit autour: SOUVENIR DES DÉSASTRES.
V
CONSEIL FALOT
A Raoul Ponchon.
Brûle aux yeux des femmes
Et garde ton coeur,
Mais crains la langueur
Des êpithalames.
Bois pour oublier!
L'eau-de-vie est une
Qui porte la lune
Dans son tablier.
L'injure des hommes,
Qu'est-ce que èa fait?
Va, notre coeur sait
Seul ce que nous sommes.
Ce que nous valons
Notre sang le chante!
L'êpine mêchante
Te mord aux talons?
Le vent taquin ose
Te gifler souvent?
Chante dans le vent
Et cueille la rose!
Va, tout est au mieux
Dans ce monde!
Surtout laisse dire,
Surtout sois joyeux
D'être une victime
A ces pauvres gens:
Les dieux indulgents
Ont aimê ton crime!
Tu refleuriras
Dans un êlysêe.
Ame mêprisêe,
Tu rayonneras!
Tu n'es pas de celles
Qu'un coup du Destin
Dissipe soudain
En mille êtincelles.
Mêtal dur et clair,
Chaque coup t'affine
En arme divine
Pour un destin fier.
Arrière la forge!
Et tu vas frêmir
Vibrer et jouir
Au poing de saint George
Et de saint Michel,
Dans des gloires calmes,
Au vent pur des palmes
Sur l'aile du ciel!...
C'est d'être un sourire
Au milieu des pleurs,
C'est d'être des fleurs,
Au champ du martyre,
C'est d'être le feu
Qui dort dans la pierre,
C'est d'être en prière,
C'est d'attendre un peu!
VI
LE POÈTE ET LA MUSE
La chambre, as-tu gardê leurs spectres ridicules,
O pleine de jour sale et de bruits d'araignêes?
La chambre, as-tu gardê leurs formes dêsignêes
Par ces crasses au mur et par quelles virgules?
Ah fi! Pourtant, chambre en garni qui te recules
En ce sec jeu d'optique aux mines renfrognêes
Du souvenir de trop de choses destinêes,
Comme ils ont donc regret aux nuits, aux nuits d'Hercules?
Qu'on l'entende comme on voudra, ce n'est pas èa:
Vous ne comprenez rien aux choses, bonnes gens.
Je vous dis que ce n'est pas ce que l'on pensa.
Seule, ô chambre qui fuis en cônes affligeants,
Seule, tu sais! mais sans doute combien de nuits
De noce auront dêvirginê leurs nuits depuis!
VII
L'AUBE A L'ENVERS
A Louis Dumoulin.
Le Point-du-Jour avec Paris au large,
Des chants, des tirs, les femmes qu'on "rêvait",
La Seine claire et la foule qui fait
Sur ce poème un vague essai de charge.
On danse aussi, car tout est dans la marge
Que fait le fleuve à ce livre parfait,
Et si parfois l'on tuait ou buvait,
Le fleuve est sourd et le vin est litharge.
Le Point-du-Jour, mais c'est l'Ouest de Paris!
Un calembour a bêni son histoire
D'affreux baisers et d'immondes paris.
En attendant que sonne l'heure noire
Où les bateaux-omnibus et les trains
Ne partent plus, tirez, tirs, fringuez, reins!
VIII
UN POUACRE
A Jean Morêas.
Avec les yeux d'une tête de mort
Que la lune encore dêcharne,
Tout mon passê, disons tout mon remord
Ricane à travers ma lucarne.
Avec la voix d'un vieillard très cassê,
Comme l'on n'en voit qu'au thêâtre,
Tout mon remords, disons tout mon passê
Fredonne un tralala folâtre.
Avec les doigts d'un pendu dêjà vert
Le drôle agace une guitare
Et danse sur l'avenir grand ouvert,
D'un air d'êlasticitê rare.
"Vieux turlupin, je n'aime pas cela.
Tais ces chants et cesse ces danses."
Il me rêpond avec la voix qu'il a:
"C'est moins