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Верлен Поль - Parallèlement


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   Doux vagabonds,
  
  
   Filous en fleurs,
  
  
   Mes chers, mes bons,
   Fumons philosophiquement,
  
  
   Promenons-nous
  
  
   Paisiblement :
  
  
   Rien faire est doux.
  

IV

  
   Rêversibilitê
  
  
  
  
  
   Totus in maligno positus.
  
   Entends les pompes qui font
  
  
   Le cri des chats.
   Des sifflets viennent et vont
  
  
   Comme en pourchas.
   Ah, dans ces tristes dêcors
   Les Dêjàs sont les Encors !
  
   Ô les vagues Angêlus !
  
  
   (Qui viennent d'où ?)
   Vois s'allumer les Saluts
  
  
   Du fond d'un trou.
   Ah, dans ces mornes sêjours
   Les Jamais sont les Toujours !
  
   Quels rêves êpouvantês,
  
  
   Vous grands murs blancs !
   Que de sanglots rêpêtês,
  
  
   Fous ou dolents !
   Ah, dans ces piteux retraits
   Les Toujours sont les Jamais !
  
   Tu meurs doucereusement,
  
  
   Obscurêment,
   Sans qu'on veille, ô cœur aimant.
  
  
   Sans testament !
   Ah, dans ces deuils sans rachats
   Les Encors sont les Dêjàs !
  

V

  
   Tantalized
  
   L'aile où je suis donnant juste sur une gare,
   J'entends de nuit (mes nuits sont blanches) la bagarre
   Des machines qu'on chauffe et des trains ajustês,
   Et vraiment c'est des bruits de nids rêpercutês
   À des cieux de fonte et de verre et gras de houille.
   Vous n'imaginez pas comme cela gazouille
   Et comme l'on dirait des efforts d'oiselets
   Vers des vols tout prochains à des cieux violets
   Encore et que le point du jour êclaire à peine.
   Ô ces wagons qui vont dêvaler dans la plaine !
  

VI

  
   Invraisemblable mais Vrai
  
   Las ! je suis à l'Index et dans les dêdicaces
   Me voici Paul V... pur et simple. Les audaces
   De mes amis, tant les êditeurs sont des saints,
   Doivent êliminer mon nom de leurs desseins,
   Extraordinaire et saponaire tonnerre
   D'une excommunication que je vênère
   Au point d'en faire des fautes de quantitê !
   Vrai, si je n'êtais pas (forcêment) dêsistê
   Des choses, j'aimerais, surtout m'êtant contraire,
   Cette pudeur du moins si rare de libraire.
  

VII

  
   Le Dernier Dizain
  
   Ô Belgique qui m'as valu ce dur loisir,
   Merci ! J'ai pu du moins rêflêchir et saisir
   Dans le silence doux et blanc de tes cellules
   Les raisons qui fuyaient comme des libellules
   À travers les roseaux bavards d'un monde vain,
   Les raisons de mon être êternel et divin,
   Et les êtiqueter comme en un beau musêe
   Dans les cases en fin cristal de ma pensêe.
   Mais, ô Belgique, assez de ce huis-clos têtu !
   Ouvre enfin, car c'est bon pour une fois, sais-tu !
  
  
  
   Bruxelles, août 1873. - Mons, janvier 1875.

Lunes

I

  
  
   Je veux, pour te tuer, ô temps qui me dêvastes,
   Remonter jusqu'aux jours bleuis des amours chastes
   Et bercer ma luxure et ma honte au bruit doux
   De baisers sur Sa main et non plus dans Leurs cous.
   Le Tibère effrayant que je suis à cette heure,
   Quoi que j'en aie, et que je rie ou que je pleure,
   Qu'il dorme ! pour rêver, loin d'un cruel bonheur,
   Aux tendrons pâlots dont on mênageait l'honneur
   Ès-fêtes, dans, après le bal sur la pelouse,
   Le clair de lune quand le clocher sonnait douze.
  

II

  
   À la Manière de Paul Verlaine
  
   C'est à cause du clair de la lune
   Que j'assume ce masque nocturne
   Et de Saturne penchant son urne
   Et de ces lunes l'une après l'une.
  
   Des romances sans paroles ont,
   D'un accord discord ensemble et frais,
   Agacê ce cœur fadasse exprès
   Ô le son, le frisson qu'elles ont !
  
   Il n'est pas que vous n'ayez fait grâce
   À quelqu'un qui vous jetait l'offense :
   Or, moi, je pardonne à mon enfance
   Revenant fardêe et non sans grâce.
  
   Je pardonne à ce mensonge-là
   En faveur en somme du plaisir
   Très banal drôlement qu'un loisir
   Douloureux un peu m'inocula.
  

III

  
   Explication
  
  
  
  
   Je vous dis que ce n'est pas ce que l'on pensa.
  
  
  
  
  
  
  
  
  
   P. V.
  
   Le bonheur de saigner sur le cœur d'un ami,
   Le besoin de pleurer bien longtemps sur son sein,
   Le dêsir de parler à lui, bas à demi,
   Le rêve de rester ensemble sans dessein !
  
   Le malheur d'avoir tant de belle ennemies,
   La satiêtê d'être une machine obscène,
   L'horreur des cris impurs de toutes ces lamies,
   Le cauchemar d'une incessante mise en scène !
  
   Mourir pour sa Patrie ou pour son Dieu, gaîment,
   Ou pour l'autre, en ses bras, et baisant chastement
   La main qui ne trahit, la bouche qui ne ment !
  
   Vivre loin des devoirs et des saintes tourmentes
   Pour les seins clairs et pour les yeux luisants d'amantes,
   Et pour le... reste ! vers telles morts infamantes !
  

IV

  
   Autre Explication
  
   Amour qui ruisselais de flammes et de lait,
   Qu'est devenu ce temps, et comme est-ce qu'elle est,
   La constance sacrêe au chrême des promesses ?
   Elle ressemble une putain dont les prouesses
   Empliraient cent bidets de futurs foetus froids ;
   Et le temps a crû mais pire, tels les effrois
   D'un polype grossi d'heure en heure et qui pète.
   Lâches, nous ! de nous être ainsi lâchês !
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  " Arrête !
   Dit quelqu'un de dedans le sein. C'est bien la loi.
   On peut mourir pour telle ou tel, on vit pour soi,
   Même quand on voudrait vivre pour tel ou telle !
   Et puis l'heure sêvère, ombre de la mortelle,
   S'en vient dêjà couvrir les trois quarts du cadran.
   Il faut, dès ce jourd'hui, renier le tyran
   Plaisir, et se complaire aux prudents hymênêes,
   Quittant le souvenir des heures entraînêes
   Et des gens. Et voilà la norme et le flambeau.
   Ce sera bien. "
  
  
  
   L'Amour :
  
  
  
  
  
  
   " Ce ne serait pas beau. "
  

V

  
   Limbes
  
   L'imagination, reine,
   Tient ses ailes êtendues,
   Mais la robe qu'elle traîne
   À des lourdeurs êperdues.
  
   Cependant que la Pensêe,
   Papillon, s'envole et vole,
   Rose et noir clair, êlancêe
   Hors de la tête frivole.
  
   L'Imagination, sise
   En son trône, ce fier siège !
   Assiste, comme indêcise,
   À tout ce preste manège,
  
   Et le papillon fait rage,
   Monte et descend, plane et vire :
   On dirait dans un naufrage
   Des culbutes du navire.
  
   La reine pleure de joie
   Et de peine encore, à cause
   De son cœur qu'un chaud pleur noie,
   Et n'entend goutte à la chose.
  
   Psychê Deux pourtant se lasse.
   Son vol est la main plus lente
   Que cent tours de passe-passe
   Ont faite toute tremblante.
  
   Hêlas, voici l'agonie !
   Qui s'en fût formê l'idêe ?
   Et tandis que, bon gênie
   Plein d'une douceur lactêe,
  
   La bestiole cêleste
   S'en vient palpiter à terre,
   La Folle-du-Logis reste
   Dans sa gloire solitaire !
  

VI

  
   Lombes
  
   Deux femmes des mieux m'ont apparu cette nuit.
   Mon rêve êtait au bal, je vous demande un peu !
   L'une d'entre elles maigre assez, blonde, un œil bleu,
   Un noir et ce regard mêcrêant qui poursuit.
  
   L'autre, brune au regard sournois qui flatte et nuit,
   Seins joyeux d'être vus, dignes d'un demi-dieu !
   Et toutes deux avaient, pour rappeler le jeu
   De la main chaude, sous la traîne qui bruit,
  
   Des bas de dos très beaux et d'une gaîtê folle
   Auxquels il ne manquait vraiment que la parole,
   Royale arrière-garde aux combats du plaisir.
  
   Et ces Dames - scrutez l'armorial de France -
   S'efforèaient d'entamer l'orgueil de mon dêsir,
   Et n'en revenaient pas de mon indiffêrence.
  
  
  
   Vouziers (Ardennes), 13 avril - 23 mai 1885.

*

  
   La Dernière Fête galante
  
   Pour une bonne fois sêparons-nous,
   Très chers messieurs et si belles mesdames.
   Assez comme cela d'êpithalames,
   Et puis là, nos plaisirs furent trop doux.
  
   Nul remords, nul regret vrai, nul dêsastre !
   C'est effrayant ce que nous nous sentons
   D'affinitês avecque les moutons
   Enrubannês du pire poêtastre.
  
   Nous fûmes trop ridicules un peu
   Avec nos airs de n'y toucher qu'à peine,
   Le Dieu d'amour veut qu'on ait de l'haleine,
   Il a raison ! Et c'est un jeune Dieu.
  
   Sêparons-nous, je vous le dis encore.
   Ô que nos cœurs qui furent trop bêlants,
   Dès ce jourd'hui rêclament, trop hurlants,
   L'embarquement pour Sodome et Gomorrhe !
  
  
   Poème saturnien
  
   Ce fut bizarre et Satan dut rire.
   Ce jour d'êtê m'avait tout soûlê.
   Quelle chanteuse impossible à dire
   Et tout ce qu'elle a dêbagoulê !
  
   Ce piano dans trop de fumêe
   Sous des suspensions à pêtroles !
   Je crois, j'avais la bile enflammêe,
   J'entendais de travers mes paroles.
  
   Je crois, mes sens êtaient à l'envers,
   Ma bile avait des bouillons fantasques.
   Ô les refrains de cafês-concerts,
   Faussês par le plus plâtrê des masques !
  
   Dans des troquets comme en ces bourgades,
   J'avais rôdê, suèant peu de glace.
   Trois galopins aux yeux de tribades
   Dêvisageaient sans fin ma grimace.
  
   Je fus huê manifestement
   Par ces voyous, non loin de la gare,
   Et les engueulai si goulûment
   Que j'en faillis gober mon cigare.
  
   Je rentre : une voix à mon oreille,
   Un pas fantôme. Aucun ou personne ?
   On m'a frôlê. - La nuit sans pareille !
   Ah ! l'heure d'un rêveil drôle sonne.
  
  
  
   Attigny (Ardennes), 31 mai - 1er juin 1885.
  
   L'Impudent
  
   La misère et le mauvais œil,
   Soit dit sans le calomnier,
   Ont fait à ce monstre d'orgueil
   Une âme de vieux prisonnier.
  
   Oui, jettatore, oui, le dernier
   Et le premier des gueux en deuil
   De l'ombre même d'un denier
   Qu'ils poursuivront jusqu'au cercueil.
  
   Son regard mûrit les enfants.
   Il a des refus triomphants.
   Même il est bête à sa faèon.
  
   Beautês passant, au lieu de sous,
   Faites à ce mauvais garèon
   L'aumône seulement... de vous.
  
  
   L'Impênitent
  
   Rôdeur vannê, ton œil fanê
   Tout plein d'un dêsir satanê
   Mais qui n'est pas l'œil d'un bêlître,
   Quand passe quelqu'un de gentil
   Lance un êclair comme une vitre.
  
   Ton blaire flaire, âpre et subtil,
   Et l'êtamine et le pistil,
   Toute fleur, tout fruit, toute viande,
   Et ta langue d'homme entendu
   Pourlèche ta lèvre friande.
  
   Vieux faune en l'air guettant ton dû,
   As-tu vraiment bandê, tendu
   L'arme assez de tes paillardises ?
   L'as-tu, drôle, braquêe assez ?
   Ce n'est rien que tu nous le dises.
  
   Quoi, malgrê ces reins fricassês,
   Ce cœur êreintê, tu ne sais
   Que dêvouer à la luxure
   Ton cœur, tes reins, ta poche à fiel,
   Ta rate et toute ta fressure !
  
   Sucrês et doux comme le miel,
   Damnants comme le feu du ciel,
   Bleus comme fleur, noirs comme poudre,
   Tu raffoles beaucoup des yeux
   De tout genre en dêpit du Foudre.
  
   Les nez te plaisent, gracieux
   Ou simplement malicieux,
   Étant la force des visages,
   Étant aussi, suivant des gens,
   Des indices et des prêsages.
  
   Longs baisers plus clairs que des chants,
   Tout petits baisers astringents
   Qu'on dirait qui vous sucent l'âme,
   Bons gros baisers d'enfant, lêgers
   Baisers danseurs, telle une flamme,
  
   Baisers mangeurs, baisers mangês,
   Baisers buveurs, bus, enragês,
   Baisers languides et farouches,
   Ce que t'aimes bien, c'est surtout,
   N'est-ce pas ? les belles boubouches.
  
   Les corps enfin sont de ton goût,
   Mieux pourtant couchês que debout,
   Se mouvant sur place qu'en marche,
   Mais de n'importe quel climat,
   Pont-Saint-Esprit ou Pont-de-l'Arche.
  
   Pour que ce goût les acclamât
   Minces, grands, d'aspect plutôt mat,
   Faudrait pourtant du jeune en somme :
   Pieds fins et forts, tout lêgers bras
   Musculeux et les cheveux comme
  
   Ça tombe, longs, bouclês ou ras, -
   Sinon pervers et scêlêrats
   Tout à fait, un peu d'innocence
   En moins, pour toi sauver, du moins,
   Quelque ombre encore de dêcence ?
  
   Nenni dà ! Vous, soyez têmoins,
   Dieux la connaissant dans les coins,
   Que ces manières, de parts telles,
   Sont pour s'amuser mieux au fond
   Sans trop muser aux bagatelles.
  
   C'est ainsi que les choses vont
   Et que les raillards fieffês font.
   Mais tu te ris de ces morales, -
   Tel un quelqu'un plus que pressê
   Passe outre aux dêfenses murales.
  
   Et tu rêponds, un peu lassê
   De te voir ainsi relancê,
   De ta voix que la soif dêgrade
   Mais qui n'est pas d'un marmiteux :
   " Qu'y peux-tu faire, camarade,
  
   Si nous sommes cet amiteux ? "
  
  
   Le Sonnet de l'Homme au Sable
  
   Aussi, la crêature êtait par trop toujours la même,
   Qui donnait ses baisers comme un enfant donne des noix,
   Indiffêrente à tout, hormis au prestige suprême
   De la cire à moustache et de l'empois des faux-cols droits.
  
   Et j'ai ri, car je tiens la solution du problème :
   Ce pouf êtait dans l'air dès le principe, je le vois ;
   Quand la chair et le sang, exaspêrês d'un long carême,
   Rêclamèrent leur dû, - la crêature êtait en bois.
  
   C'est le conte d'Hoffmann avec de la bêtise en marge.
   Amis qui m'êcoutez, faites votre entendement large,
   Car c'est la vêritê que ma morale, et la voici :
  
   Si, par malheur, - puisse d'ailleurs l'augure aller au diable ! -
   Quelqu'un de vous devait s'emberlificoter aussi,
   Qu'il rêclame un conseil de rêvision prêalable.
  
  
   Guitare
  
   Le pauvre du chemin creux chante et parle.
   Il dit : " Mon nom est Pierre et non pas Charle,
   Et je m'appelle aussi Duchatelet.
   Une fois je vis, moi qu'on croit très laid,
   Passer vraiment une femme très belle.
   (Si je la voyais telle, elle êtait telle.)
   Nous nous mariâmes au vieux curê.
   On eut tout ce qu'on avait espêrê,
   Jusqu'à l'enfant qu'on m'a dit vivre encore.
   Mais elle devint la pire pêcore
   Indigne même de cette chanson,
   Et certain beau soir quitta la maison
   En emportant tout l'argent du mênage
   Dont les trois quarts êtaient mon apanage.
   C'êtait une voleuse, une sans-cœur,
   Et puis, par des fois, je lui faisais peur.
   Elle n'avait pas l'ombre d'une excuse,
   Pas un amant ou par rage ou par ruse.
   Il paraît qu'elle couche depuis peu
   Avec un individu qui tient lieu
   D'êpoux à cette femme de querelle.
   Faut-il la tuer ou prier pour elle ? "
  
   Et le pauvre sait très bien qu'il priera,
   Mais le diable parierait qu'il tuera.
  
  
   Ballade de la vie en rouge
  
   L'un toujours vit la vie en rose,
   Jeunesse qui n'en finit plus,
   Seconde enfance moins morose,
   Ni vœux, ni regrets superflus.
   Ignorant tout flux et reflux,
   Ce sage pour qui rien ne bouge
   Règne instinctif : tel un phallus.
   Mais moi je vois la vie en rouge.
  
   L'autre ratiocine et glose
   Sur des modes irrêsolus,
   Soupesant, pesant chaque chose
   De mains gourdes aux lourds calus.
   Lui faudrait du temps tant et plus
   Pour se risquer hors de son bouge.
   Le monde est gris à ce reclus.
   Mais moi je vois la vie en rouge.
  
   Lui, cet autre, alentour il ose
   Jeter des regards bien voulus,
   Mais, sur quoi que son œil se pose,
   Il s'exaspère où tu te plus,
   Œil des philanthropes joufflus ;
   Tout lui semble noir, vierge ou gouge,
   Les hommes, vins bus, livres lus.
   Mais moi je vois la vie en rouge.
  
  
  
   Envoi
  
   Prince et princesse, allez, êlus,
   En triomphe par la route où je
   Trime d'ornières en talus.
   Mais moi, je vois la vie en rouge.
  
  
   Mains
  
   Ce ne sont pas des mains d'altesse,
   De beau prêlat quelque peu saint,
   Pourtant une dêlicatesse
   Y laisse son galbe succinct.
  
   Ce ne sont pas des mains d'artiste,
   De poète proprement dit,
   Mais quelque chose comme triste
   En fait comme un groupe en petit ;
  
   Car les mains ont leur caractère,
   C'est tout un monde en mouvement
   Où le pouce et l'auriculaire
   Donnent les pôles de l'aimant.
  
   Les mêtêores de la tête
   Comme les tempêtes du cœur,
   Tout s'y rêpète et s'y reflète
   Par un don logique et vainqueur.
  
   Ce ne sont pas non plus les palmes
   D'un rural ou d'un faubourien ;
   Encor leurs grandes lignes calmes
   Disent " Travail qui ne doit rien. "
  
   Elles sont maigres, longues, grises,
   Phalange large, ongle carrê.
   Tels en ont aux vitraux d'êglises
   Les saints sous le rinceau dorê,
  
   Ou tels quelques vieux militaires
   Dêshabituês des combats
   Se rappellent leurs longues guerres
   Qu'ils narrent entre haut et bas.
  
   Ce soir elles ont, ces mains sèches,
   Sous leurs rares poils hêrissês,
   Des airs spêcialement rêches,
   Comme en proie à d'âpres pensers.
  
   Le noir souci qui les agace,
   Leur quasi-songe aigre les font
   Faire une sinistre grimace
   À leur faèon, mains qu'elles sont.
  
   J'ai peur à les voir sur la table
   Prêmêditer là, sous mes yeux,
   Quelque chose de redoutable,
   D'inflexible et de furieux.
  
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